Je souhaite ajouter un deuxième commentaire sur la question de la durée de fonctionnement des centrales nucléaires telle qu'elle est envisagée par le rapport de la Cour des comptes. Celle-ci est partie d'un constat mathématique simple : la date à laquelle la durée de quarante ans est atteinte. On retrouve alors une image du parc tel qu'il était à la fin des années 1970 et au début des années 1980 : la première centrale à fermer serait Fessenheim, ensuite Bugey, puis Tricastin, Gravelines, Dampierre. En 2022, vingt-deux réacteurs seraient concernés par cette échéance. On retrouvera alors le « mur » de construction : au moment de la plus forte activité, huit réacteurs étaient mis en service chaque année. Nous avons ainsi un ordre de grandeur de l'effort de renouvellement qui nous attend pour les années 2020 à 2030.
La Cour des comptes formule les recommandations suivantes : construire six ou sept EPR d'ici à 2020, et onze d'ici à 2022. Je ne prends pas parti sur le fait que la solution retenue consisterait à remplacer ces réacteurs anciens par de nouveaux réacteurs nucléaires - la question est de nature politique -, mais je souhaite apporter une précision.
Nous procédons tous les cinq ans à un exercice de planification, comme le prévoit la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique. Le dernier en date, qui remonte à juin 2009, tient compte des décisions du Grenelle de l'environnement et avait pour horizon 2020, juste avant le renouvellement éventuel du parc : il ne prévoyait donc pas un bouleversement en termes de production. Il est cependant évident que l'échéance des quarante ans des centrales nucléaires est très proche.
Dans le cadre des discussions préparatoires à la programmation pluriannuelle des investissements - en « mode Grenelle », c'est-à-dire avec l'ensemble des parties prenantes - nous avons choisi de préserver des marges en termes de capacités de production électrique sur cette période, de manière à pouvoir faire face à un aléa technique - par exemple, une décision de l'Autorité de sûreté nucléaire refusant d'autoriser la prolongation d'un réacteur ou toute autre difficulté rencontrée par une unité de production, nucléaire ou non.
Nous avons tenu à prévoir ces marges de manoeuvre de manière à préserver la capacité d'expression de l'Autorité de sûreté nucléaire ou à faire face à des aléas dans la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement - déploiement pas assez rapide des énergies renouvelables, difficultés dans la maîtrise des économies d'énergie. L'existence de ces marges nous permettrait, le cas échéant, en l'absence de mauvaise nouvelle, d'être éventuellement exportateurs d'une électricité plutôt décarbonée, compte tenu de notre mix : cela nous a été reproché à l'époque, mais les observations de la Cour des comptes vont tout à fait dans notre sens. Je tenais à faire cette observation, parce que l'on a pu nous reprocher implicitement d'avoir retenu de mauvaises prévisions, alors que nous avions utilisé les éléments disponibles à l'époque.
La question de la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires - sujet que je connais bien historiquement - fait l'objet de débats depuis vingt ans : des chiffres sont assénés, des coûts avancés, mais le sujet n'a jamais été vraiment expertisé. Peu après la parution de la PPI, la direction générale de l'énergie et du climat a proposé formellement au Gouvernement de demander à EDF d'engager réellement la procédure d'instruction de la prolongation de la durée de vie de ses centrales. Cela a été fait, et le travail a commencé. Nous avons eu des réunions avec les représentants de l'ASN pour vérifier le timing. Nous les reverrons dans les prochaines semaines. Je les ai rencontrés encore ce matin, car ils doivent nous confirmer une nouvelle fois le calendrier, qui a été quelque peu bousculé par l'instruction technique post-Fukushima. Cette dernière a toute son utilité dans l'optique d'une éventuelle prolongation de quarante à soixante ans, ce qui, à ma connaissance, est la durée maximale envisagée.