Sur la question de savoir si trente ans ici équivalent à trente ans ailleurs, je dirai qu'il n'y a pas de raison de nous priver du retour d'expérience des autres sur des réacteurs comparables. C'est d'ailleurs plutôt ce qui a été fait jusqu'à présent.
Un point important est à souligner dans tout ce qui a été fait en matière nucléaire en France depuis de longues années : c'est le parti pris essentiel, qui n'est pas sans lien avec la loi NOME, d'avoir un exploitant unique et, pour résumer, des réacteurs de même type, homogénéisés. Aujourd'hui, je comprends qu'une telle décision a été prise avant tout pour des raisons d'optimisation industrielle, lesquelles ont plutôt eu un bon effet, notamment en termes de prix.
Lorsque je discute avec mes collègues européens, je m'aperçois qu'ils n'ont pas le même sentiment sur le coût du nucléaire. Leurs pays ont privilégié un autre choix : de nombreux exploitants et plusieurs types de réacteurs. L'optimisation, d'après le retour d'expérience industrielle - je précise bien « industrielle » -, s'y fait dans de moins bonnes conditions. Avec un coût de combustible égal, il n'y a pas de raison que le prix à la sortie diffère, sauf à prendre en compte le point que je viens d'évoquer.
Cet engagement massif sur un même type de réacteurs, qui joue sur la prolongation de leur durée de vie, a une contrepartie incontournable : il nous oblige à être extrêmement exigeants en termes de retour d'expérience, s'agissant, cette fois, de la sûreté, afin qu'un incident sur une centrale ne soit pas la cause de l'arrêt de l'ensemble du système.
La question de la prolongation de la durée de vie doit aussi être étudiée à la mesure de la taille du parc. C'est probablement pour cette raison - je n'y reviens pas pour rien - que l'Autorité de sûreté nucléaire a souligné la nécessité d'examiner la situation au regard des objectifs de sûreté fixés à la troisième génération, car il ne s'agit pas simplement d'envisager la prolongation d'un réacteur parmi cinquante autres extrêmement différents.