Si l'association que je représente ici a rejoint la plateforme « paradis fiscaux et judiciaires », en 2009, c'est d'abord parce qu'elle lutte contre la corruption et que les paradis fiscaux et judicaires, en produisant de l'opacité, favorisent les pratiques de corruption au détriment de l'intérêt général.
En outre, l'existence de paradis fiscaux et l'évasion des capitaux contribuent à restreindre les budgets des États, aussi bien dans les pays en voie de développement que dans les pays développés comme la France, ce qui est un gros problème en période de crise.
Les vingt-neuf propositions de la plateforme « paradis fiscaux et judiciaires » sont présentées dans un document très complet que nous vous remettrons à la fin de notre audition. Pour les formuler, nous nous sommes notamment inspirés des conclusions du groupe de travail de l'Assemblée nationale et du Sénat sur la crise financière internationale, qui s'est réuni à partir de 2008. Nous nous sommes également appuyés sur des travaux de parlementaires, d'organisations non gouvernementales et d'instances internationales comme l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), le Groupe d'action financière (GAFI), et le Financial Stability Board (FSB).
Nos recommandations portent sur plusieurs points.
Tout d'abord, nous préconisons qu'une liste des paradis fiscaux et judiciaires soit établie et que des sanctions soient prises à l'encontre de ces territoires. Certes, l'OCDE, le GAFI et le FSB publient déjà de telles listes, mais, du point de vue de notre plateforme, ces actions sont inefficaces parce que les critères retenus ne sont pas pertinents. Aujourd'hui, ces listes sont d'ailleurs réduites à leur plus simple expression. Par exemple, la Suisse ne figure plus depuis un certain temps sur la liste « grise » de l'OCDE, alors que les réponses qu'elle a fournies ne sont pas du tout satisfaisantes.
Retirer un pays de la liste dès qu'il a signé des accords de coopération avec des pays de l'OCDE et attendre trois ans pour juger des résultats de cette démarche est une mauvaise méthode. Je pense qu'il faudrait faire l'inverse : ne rayer un pays de la liste « grise » que lorsqu'il a démontré la réalité de son effort de coopération.
Ensuite, nous proposons de mettre fin aux sociétés écrans : trusts, anstalts et autres structures. Nous recommandons notamment la mise en place d'un registre des trusts à l'échelon européen. Il s'agit d'une mesure très importante, car l'impossibilité d'identifier les sociétés écrans peut rendre inefficace une démarche de coopération.
Par ailleurs, nous demandons que l'on oblige ceux qui recourent à des paradis fiscaux à rendre des comptes. À cet égard, Mathilde Dupré et Maylis Labusquière vous présenteront notre proposition de mettre en place un reporting pays par pays.
M. Pascal Saint-Amans, que vous avez entendu le 13 mars dernier, a critiqué cette proposition, mais il m'a semblé, en lisant le compte rendu de son audition, qu'il avait donné très peu d'arguments. Pour notre part, nous allons vous montrer qu'une telle mesure serait très efficace et qu'elle peut produire des résultats indispensables.
Nous appelons également de nos voeux l'établissement d'une coopération fiscale efficace au profit des pays du Sud.
Aujourd'hui, la directive du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts, dite « directive épargne », prévoit un échange automatique d'informations entre les pays de l'Union européenne. À nos yeux, le champ de cette coopération doit être élargi, en direction notamment des pays en voie de développement, qui n'ont évidemment pas les moyens de signer des accords bilatéraux avec chacun des pays de l'OCDE, par exemple.
Nous proposons en outre de mondialiser la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Cela passe par le reporting pays par pays, mais aussi par l'intervention d'organisations internationales plus représentatives que l'OCDE. Nous recommandons notamment le renforcement du comité d'experts des Nations unies, ainsi que d'élargir le champ d'application de la directive épargne aux personnes morales.
Enfin, il convient à notre sens de mondialiser la justice. Par exemple, un parquet européen compétent pour les affaires d'évasion fiscale pourrait être créé.
Certaines des mesures que nous préconisons dans le document que j'ai évoqué ont commencé d'être mises en place, mais ce n'est pas le cas de la plupart d'entre elles. On voit bien que le groupe de travail de l'Assemblée nationale et du Sénat sur la crise financière internationale n'est pas allé suffisamment loin dans ses propositions pour que la lutte contre l'évasion des capitaux hors de France soit vraiment efficace.