Intervention de Mathilde Dupré

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 24 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de Mme Mathilde duPré chargée de plaidoyer au comité catholique contre la faim et pour le développement -terre solidaire et coordinatrice de la plateforme « paradis fiscaux et judiciaires » de Mme Maylis Labusquière chargée de plaidoyer à oxfam france de M. Jean Merckaert administrateur de l'association sherpa de Mme Jacqueline Hocquet responsable de l'animation et du plaidoyer internationaux au secours catholique et de M. Harold Heuzé qui représente l'association anticor

Mathilde Dupré :

Le chiffre de 400 milliards d'euros que j'ai donné provient également des travaux de Global Financial Integrity, qui estime dans un de ses derniers rapports à 50 % la part de ces flux financiers illicites liée au contournement de l'impôt par les entreprises multinationales.

Selon GFI, ces flux ce répartissent comme suit : la corruption ne représente que de 3 % à 5 % du total, alors que c'est souvent à elle que l'on pense en premier, le produit des activités criminelles -prostitution, trafic d'armes, etc. - entre 30 % et 35 %, et l'évasion fiscale, dont la majeure partie résulterait des activités des entreprises multinationales, entre 60 % et 65 %. Ces chiffres nous ont conduits à vous présenter essentiellement nos mesures axées sur la lutte contre l'évasion fiscale.

En ce qui concerne les collectivités locales, dix-huit régions se sont engagées. Certaines d'entre elles ont seulement adopté un voeu, d'autres ont voté une délibération n'allant cependant pas au-delà de la législation française actuelle : elles demandent la transparence pour les activités avec les pays inscrits sur la liste française des États et territoires non coopératifs, informations qui figurent déjà dans les rapports d'activité annuels des banques. Enfin, des régions, que la Basse-Normandie vient de rejoindre, demandent à leurs partenaires financiers de publier, six mois après la reddition de leurs comptes, des informations pays par pays sur leurs activités, notamment la liste des filiales, les effectifs, le chiffre d'affaires, le bénéfice et le montant des impôts versés. Les délibérations en ce sens ont été votées en 2010 ; leur première année de pleine application est donc 2011, les emprunts contractés antérieurement relevant encore de contrats précédents.

Les banques qui répondaient aux appels à financement ont à chaque fois été informées par courrier des délibérations des régions, comme l'ont aussi été Bercy et diverses autres autorités. Dans plusieurs cas, elles ont répondu par courrier qu'elles se soumettraient aux règles de transparence. Les banques ayant publié leurs rapports d'activité en février ou en mars, les informations chiffrées sont attendues pour l'automne 2012.

Évidemment, certaines banques essaient de contourner l'obligation de répondre aux demandes d'informations que leur adressent les administrations des régions, en indiquant par exemple que leur établissement en Champagne-Ardenne n'a pas de filiale dans les paradis fiscaux, ce qui donne lieu à de nouveaux échanges de courriers afin de préciser que la question concerne l'ensemble du groupe bancaire...

À ce stade, nous attendons de voir quelles informations seront publiées. Il est sûr qu'il n'est pas évident de demander une modification des règles, d'autant que toutes les collectivités locales ont actuellement des difficultés à se financer, qu'elles aient ou non adopté des délibérations de ce type.

Je veux tout de même signaler une évolution de la part des banques, même si elle est encore très timide et si les chiffres qui vous ont été donnés précédemment montrent bien qu'elles ne veulent pas communiquer d'informations comparables pays par pays. Au début, quand on leur envoyait des demandes d'informations sur leur présence dans les paradis fiscaux inscrits sur notre propre liste, les banques refusaient de répondre au motif que cette liste était, selon elles, complètement absurde. Aujourd'hui, certaines d'entre elles nous communiquent des informations sur les territoires de notre liste dans lesquels elles ont des filiales.

C'est donc en faisant vraiment changer les règles en même temps que les attentes des clients et du public que l'on arrivera à faire bouger les choses.

C'est pourquoi nous menons de nombreuses actions avec nos bénévoles, qui envoient des courriers à leurs banques. Je sais que ces courriers remontent très haut au sein des administrations de celles-ci, puisque je suis ensuite très souvent contactée. Il arrive même que nos bénévoles reçoivent des appels des plus hauts responsables des services de contrôle.

Comme l'activité de détail est celle qui a assuré une grande partie des résultats des banques l'année dernière, c'est vraiment le bon moment pour leur imposer des règles de transparence, en leur montrant que leurs clients ont la volonté d'être informés.

Évidemment, si une disposition similaire pouvait être votée par le Parlement, l'obligation pour les banques de répondre aux demandes d'informations serait renforcée.

À terme, cette obligation devra aussi s'appliquer à d'autres secteurs. Avec les régions, on a commencé par les banques parce que c'était plus facile en termes de régulation des marchés publics, mais nous envisageons d'imposer, pour tous les marchés publics et pour toutes les aides de l'État, une exigence similaire de transparence sur la base d'informations pays par pays.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion