Il y a une vraie difficulté à recenser les paradis fiscaux : en effet, depuis une trentaine d'années, au moins dix ou quinze listes différentes ont été publiées.
Pour notre part, nous utilisons une liste élaborée par le Tax Justice Network qui opère une synthèse entre deux critères : la taille du centre financier offshore, c'est-à-dire des services financiers aux non-résidents, et le degré d'opacité. Cette liste a aussi ses imperfections. On peut dire que, sur le plan de l'opacité, les Pays-Bas sont l'un des pays les moins mal classés parmi les soixante qui y figurent.
Le reporting pays par pays présente le grand intérêt de permettre d'inverser la logique de l'investigation. En effet, au lieu de demander des informations aux entreprises sur la base d'une liste limitative de pays dont tout le monde est sûr qu'ils sont des paradis fiscaux, on leur demande des renseignements sur leurs implantations dans tous les territoires où elles sont présentes, que ceux-ci soient ou non considérés comme des paradis fiscaux par certains. Si une localisation est purement fictive, on comprend que l'entreprise veille à la dissimuler.
Les Pays-Bas représentent un peu un cas limite. Parmi toutes les filiales localisées aux Pays-Bas, il est vraisemblable que beaucoup ont une activité réelle, dans la mesure où un véritable marché existe dans ce pays. Reste que beaucoup de groupes y localisent leur holding financière : ils y implantent un centre de profit sans forcément y compter de salariés. Par exemple, Saint-Gobain, qui est pourtant pratiquement la plus vertueuse des cinquante plus grandes entreprises européennes en matière de transparence, car elle donne des informations dans son rapport annuel, a implanté sa holding financière aux Pays-Bas où, curieusement, elle n'a aucun salarié. Nous aimerions pouvoir demander à Saint-Gobain quelle est l'activité réelle de cette filiale, son chiffre d'affaires, son bénéfice, et s'il est bien légitime qu'elle paie ses impôts aux Pays-Bas.