Intervention de Claude Dumont-Beghi

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 24 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de Mme Claude duMont-beghi avocate

Claude Dumont-Beghi :

En ce qui concerne la lenteur de la justice, je vous ai déjà indiqué que j'avais utilisé des voies de droit inhabituelles, comme l'assignation à jour fixe. En juin 2006, j'avais fait réintégrer tous les droits de ma cliente. En moins de deux ans, j'avais donc gagné l'affaire Wildenstein devant la cour d'appel de Paris et la Cour de cassation. On voit donc que des méthodes d'urgence existent.

Le notaire et l'expert désignés par la justice ont travaillé en complémentarité avec notre propre expert. Lorsqu'ils ont remis leur prérapport, le 6 décembre 2006, les Wildenstein ont pour la première fois évoqué l'existence de trusts. Les experts ont ensuite rendu leur rapport le 31 décembre 2006. Ils y indiquent très clairement que, entre les valeurs inscrites dans la déclaration de succession de Daniel Wildenstein et leurs propres conclusions, le rapport est de 1 à 200.

Mais le début de l'année 2007 marque aussi le point de départ d'une campagne électorale dont différents acteurs se retrouvent à New York, chez M. Wildenstein - je vous parle là de faits que je décris dans mon livre ; je n'interprète pas.

Or il se trouve que, à partir de 2007-2008, mon dossier est resté figé dans le béton. Alors que la succession de Daniel Wildenstein avait été précédemment annulée, une décision de justice rendue en octobre 2008 nous faisait complètement repartir de zéro. L'on revenait au statu quo ante.

J'ai pourtant soulevé de nombreuses aberrations.

M. Daniel Wildenstein était par exemple propriétaire de la galerie à Londres, évaluée 329 000 euros, alors qu'elle dispose d'un stock historique colossal. Où est le stock ? Pourquoi n'est-il pas identifié ? Pourquoi ne figure-t-il pas dans la succession ?

De même, les soixante-neuf pur-sang de l'écurie Wildenstein avaient été évalués à 809 000 euros, alors qu'ils comptaient dans leur rang à l'époque des chevaux extraordinaires, comme Kesaco Phedo, vainqueur du prix d'Amérique.

La justice m'a répondu : « Madame, tout cela ne vaut rien ! »

J'ai provoqué quatre ou cinq incidents pour essayer de faire avancer les choses, pour avoir des pièces, des éléments... En vain.

Au vu de l'étendue du patrimoine international, j'ai aussi demandé des mesures d'instruction et un audit international, qui m'ont été refusés.

Le rapport des experts a été annulé et aucun autre expert n'a été désigné, sauf un, pour procéder à l'évaluation d'un studio de 30 mètres carrés sis avenue Montaigne. Voilà qui allait assurément changer la face du monde !

Donc, oui, pour répondre à votre question, j'ai rencontré des difficultés.

Lorsque j'ai fait émerger ces trusts en mars 2009, la malchance a voulu que M. Guy Wildenstein reçoive la cravate de commandeur de la légion d'honneur des mains de M. Nicolas Sarkozy, ce que j'ignorais pour ma part. D'ailleurs, dans toute cette affaire, j'ai toujours fait mon travail et pris connaissance a posteriori des événements extérieurs. Mais, finalement, c'est peut-être mieux ainsi.

À partir de là, les choses se sont compliquées. J'ai écrit à l'administration fiscale en mai et juin 2009 - car nous avons tous une obligation de coopération effective avec le fisc -, précisément à MM. Woerth et Parini. En septembre, je n'avais toujours reçu aucune réponse.

J'ai également écrit à M. le procureur Jean-Claude Marin en septembre 2009... Aucune réponse. J'avais en effet déposé une plainte pour abus de confiance contre le trustee de Northern Trust. No man's land ! Ma cliente a été entendue ; elle a dit tout ce qu'elle avait à dire. Mais le parquet a décidé de classer sans suite. J'ai donc pris la décision de me constituer partie civile dans l'intérêt de ma cliente, et c'est ainsi que des juges d'instruction ont été désignés.

J'ai déposé une deuxième plainte pour abus de confiance contre Guy Wildenstein, et plus largement contre la famille Wildenstein, pour blanchiment d'argent, organisation d'insolvabilité, recel de faux et usage de faux. L'écurie Wildenstein, qui continue de gagner des courses exceptionnelles, notamment avec M. Soumillon, est en effet fondée sur un recel de faux et usage de faux. C'est quand même incroyable. En tant que juriste et avocate, je considère que l'on marche sur la tête.

Donc oui, pour répondre à votre question, j'ai vraiment rencontré des soucis avec les plaintes que j'ai déposées.

J'ai également envoyé, le 6 juillet 2010 au matin, un courrier à M. Baroin, accompagné d'un dossier. Le hasard veut que, l'après-midi, il ait été interrogé sur l'affaire Wildenstein par un député socialiste que je ne connais pas, que je n'ai jamais rencontré de ma vie, M. Vidalies. Dans ce courrier, je suggérais au ministre de déposer plainte pour fraude fiscale. Seize critères doivent en effet être réunis pour qu'une fraude fiscale soit constituée et il me semble que le dossier les réunit tous, ou presque. Malgré cela, le ministre du budget n'a pas bougé. Un an après, j'ai renouvelé mon courrier, cette fois à Mme Pécresse, en insistant sur la responsabilité qu'elle avait vis-à-vis du contribuable français en tant que représentante de l'État français et garante de l'intérêt général. Je lui rappelais également une décision du Conseil d'État du 21 mars 2011, qui juge que le ministre doit impérativement agir s'il a connaissance d'un élément qui pourrait nourrir un soupçon de fraude fiscale, qu'il n'y a plus besoin d'une faute lourde et que de simples éléments concordants suffisent. À défaut, il engagerait la responsabilité de l'État.

Lorsque j'ai écrit ce courrier, je ne savais pas - je l'ai su trois mois après - que M. Baroin avait, le jour de son départ du ministère du budget, déposé une plainte pour fraude fiscale, qui fut jointe à ma deuxième plainte.

Enfin, je précise que j'ai également déposé une plainte pour trafic d'influence, corruption active et passive et recel de blanchiment d'argent. Nous savons en effet, sur le fondement de ses déclarations, que Guy Wildenstein a été cofondateur de l'UMP, qu'il a été l'un des plus gros contributeurs de cette formation politique et qu'il a reçu la cravate de commandeur de la légion d'honneur pour son mérite éminent et son comportement exemplaire. Qu'il soit en l'occurrence question de respectabilité et d'éthique ne manque pas de surprendre et d'inquiéter. C'est pourquoi j'ai déposé cette plainte.

Malheureusement, ma cliente est décédée, nous n'avons pas eu le temps de nous constituer partie civile et je ne sais pas ce que cette plainte est devenue. J'indiquais en effet dans celle-ci que, dans les statuts de l'UMP, figuraient tous les critères de la République, de la solidarité, de l'éthique et de l'honnêteté, et que l'on pouvait en l'occurrence se poser des questions sur l'origine de ces fonds. J'ai démontré qu'il y avait blanchiment d'argent au moyen de transferts via la Suisse, la banque UBS et un avocat suisse - ces informations figurent dans mon livre ; si vous le souhaitez, je vous communiquerai des éléments supplémentaires -, mais aussi via une banque Rothschild à New York.

Le blanchiment est donc caractérisé. On prétend que Daniel et Alec n'avaient pas de revenus. Dès lors, d'où provenait leur argent ? De même, lorsque M. Guy Wildenstein soutient financièrement une campagne électorale, d'où vient cet argent ? On peut se demander s'il ne trouve pas son origine dans les paradis fiscaux.

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