En effet, le débat contradictoire est essentiel pour avancer et structurer des solutions.
Vous avez une bonne administration et de bons services fiscaux. Il faut simplement leur permettre de faire leur travail. La notion d'indépendance me semble essentielle. Je ne développerai pas plus longuement ce point, mais il me semble que chaque corps doit être indépendant.
Vous avez aussi des juges remarquables. Malheureusement, la justice est exsangue, ruinée. Il n'y a plus de papier pour imprimer les jugements, les greffières sont épuisées et les magistrats font ce qu'ils peuvent. Si vous voulez rétablir l'ordre, vous avez besoin de l'institution judiciaire.
Tout à l'heure, j'expliquais la différence entre la fraude fiscale et l'évasion - ou optimisation - fiscale. Partout où il n'y a pas de lois, l'optimisation a une autoroute devant elle. Nous devons donc structurer des lois. Nous devons déjà réfléchir empiriquement à la manière dont les trusts doivent être organisés.
Il me semble également que nous devrions harmoniser et simplifier les lois, car nous ne pouvons nous contenter d'empiler les règles les unes sur les autres.
Le point fondamental pour un avocat, c'est l'application concrète des textes. Lorsque l'on voit la réalité de la prétendue assistance administrative entre les États d'Europe, comme je vous le disais tout à l'heure, il me semble que l'on se moque du monde, car c'est l'administration du pays concerné - Luxembourg, Belgique ou Suisse - qui décide si, oui ou non, les questions posées sont pertinentes.
Je pense qu'il faut créer un parquet européen et harmoniser les législations. De nombreuses personnes remarquables partagent la même démarche éthique au sein de l'Union européenne. C'est en effet un problème qui concerne tout le monde, un véritable choix de société. Il existe déjà un organisme strictement administratif, l'Office européen de lutte anti-fraude, l'OLAF. Mais il faudrait lui donner un pouvoir juridictionnel. Quoi qu'il en soit, sans l'Europe, nous n'existerons pas. Ce continent est à construire, et il doit être érigé sur des fondements que nous partageons tous.
Il faut également imposer des critères comme la loyauté. La loyauté des affaires me semble le pendant indispensable du secret des affaires. Il doit y avoir une réciprocité entre ces notions. On ne devrait pas pouvoir utiliser le secret pour détourner de l'argent. Il faut poser des garde-fous, des critères simples et pragmatiques.
Mais, encore une fois, nous avons des juges compétents, une administration fiscale compétente, des officiers de police judiciaire compétents. Toutes ces personnes attendent de travailler ensemble, en bonne intelligence, car rien ne sera possible sans une collaboration effective entre ces institutions.