Intervention de Bruno Retailleau

Commission des affaires économiques — Réunion du 12 juin 2012 : 1ère réunion
Réforme de la politique commune de la pêche — Débat

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Nous approuvons les conclusions du rapporteur.

La France compte plus de 5 000 kilomètres de côtes, d'où une histoire, des traditions, mais aussi un avenir et une économie spécifiques. Or, la pêche a trop souvent servi de monnaie d'échange avec d'autres intérêts européens, ce qui n'a pas été bien vécu par cette profession.

Les propositions de la Commission doivent être plus pragmatiques et plus nuancées. Cette réforme repose sur deux hypothèses : il n'y pas assez de poissons et trop de pêcheurs. Il ne peut bien évidemment y avoir de pêche durable si le stock ne se reconstitue pas, et nous sommes tous d'accord avec la notion de RMD. Mais les stocks halieutiques sont-ils réellement en danger ? Moins de la moitié de ces stocks ont fait l'objet d'évaluations scientifiques à peu près incontestables et sur cette moitié, le quart des stocks court un risque de sécurité biologique. Le 8 juin, la Commission a publié un document attestant la surpêche de certaines espèces, mais constatant que d'autres deviennent plus abondantes, comme le merlan bleu, le sprat ou le cabillaud. Il faut donc nuancer le jugement. Il est possible de demander des sacrifices à une profession, mais en s'appuyant sur des données scientifiques incontestables, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Nous devons donc encourager la co-expertise car scientifiques et pêcheurs sont capables de s'entendre, pour peu qu'on leur en donne l'occasion.

La Commission estime que la flotte de pêche est trop importante, mais en dix ans, le nombre de navires français a diminué de plus de 20 %. Avec 20 000 pêcheurs, nous approchons d'un seuil en deçà duquel le métier pourrait disparaître. D'ailleurs, les patrons pêcheurs artisanaux ont déjà beaucoup de mal à recruter. Depuis 10 ans, les débarquements se sont réduits de 25 % tandis que nos importations progressaient de 50 %. L'Europe importe deux tiers de sa consommation et la France plus de 75 %. La pêche artisanale va mal et les bateaux vieillissent : tentons d'éviter la disparition non pas des poissons mais des pêcheurs.

Le RMD repose sur un bon principe, mais les modalités doivent être échelonnées, pêcherie par pêcherie. La marchandisation des droits de pêche est inacceptable : privatiser les stocks, qui sont un bien collectif, et demander au marché d'en assurer la régulation n'est pas admissible. L'interdiction des rejets est effectivement une fausse bonne idée. Ce n'est pas en ramenant les rejets dans des bateaux qui ne sont pas prévus pour cela et qui risquent de chavirer ni en développant une filière minotière que l'on va améliorer la situation : la sélectivité des prises doit en revanche être encouragée.

Le FEAMP reste enfin trop modeste : il devra encourager l'installation des jeunes et la modernisation des bateaux, mais aussi leur déchirage, quand il est inévitable.

Ce problème est crucial : l'avenir de la pêche est en jeu.

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