Intervention de Frédéric de Maneville

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 16 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Luc Poyer président du directoire d'e.on france olivier puit directeur général délégué d'alpiq france michel crémieux président d'enel france et frédéric de maneville président de vattenfall france

Frédéric de Maneville, président de Vattenfall France :

Je suis président de Vattenfall France. Nos quatre entreprises sont membres de l'Association française indépendante de l'électricité et du gaz, l'AFIEG, qui a pour objet social de promouvoir l'ouverture du marché de l'énergie en France.

La société Vattenfall est d'origine suédoise, détenue à 100 % par l'État suédois. Nous sommes présents dans neuf pays d'Europe, opérateur nucléaire en Suède et en Allemagne, et nous nous distinguons en étant numéro deux dans l'Union européenne dans deux technologies : l'hydroélectricité et l'éolien offshore.

En France, Vattenfall fut le premier étranger à vendre de l'électricité aux industriels français, à la suite de la loi de libéralisation de 2000. Depuis, nous avons connu une croissance régulière jusqu'à vendre cette année environ 10 térawattheures d'électricité au consommateur français.

Après cette brève présentation, j'en viens à votre question. Comme vous l'avez souhaité, je vais vous parler de la situation des prix de l'électricité en Suède, puisque vous souhaitez avoir quelques éléments de comparaison.

À mon sens, ce qui est important, c'est de comprendre que le prix de l'électricité est la résultante d'un système. Un prix, c'est la résultante d'une organisation de marché et d'un système électrique. Je vais donc vous décrire comment cela fonctionne en Suède et vous donner quelques éléments de prix.

Au mois de janvier 2011, le prix de l'électricité en Suède pour un ménage en maison individuelle et doté du chauffage électrique a une part « énergie » de 45 %, une part « réseau » de 17 % et une part « taxes » de 38 %. En valeur absolue, le prix TTC de l'électricité pour un ménage en Suède est d'environ 18 centimes le kilowattheure, contre 26 centimes en Allemagne et 13 centimes en France. Ce sont des statistiques de l'Union européenne. Et pour un consommateur industriel, le prix du kilowattheure est de 12 centimes en Allemagne, de 8 centimes en Suède et de 7 centimes en France, pour vous situer les ordres de grandeur.

À noter qu'il n'existe pas de tarif réglementé par l'État en Suède, ni de péréquation géographique. D'ailleurs, la distribution d'électricité y est très fortement décentralisée auprès d'environ 250 sociétés locales de distribution.

Le coeur du système électrique suédois, c'est le Nord Pool, c'est-à-dire le marché de gros nordique, qui a été créé en 1993 et qui regroupe le Danemark, la Finlande, la Suède, la Norvège et maintenant l'Estonie. En 2001, 316 térawattheures ont transité sur ce marché ; c'est le plus liquide et le plus transparent d'Europe. On peut y trouver des produits de couverture jusqu'à un horizon de six ans. Cela signifie qu'un acteur peut acheter son électricité à prix ferme jusqu'à un horizon de six ans. Le prix moyen mensuel sur le spot de Nord Pool était le mois dernier de 31,71 euros le mégawattheure.

Si je vous avais donné la même valeur pour l'hiver 2010, j'aurais pu vous dire 80 euros. Je ne suis pas en train de vous dire que l'électricité est forcément toujours bon marché. Le prix de l'électricité sur le Nord Pool reflète étroitement l'équilibre de l'offre et de la demande. En fait, quand vous regardez des statistiques sur le long terme, ce prix varie entre environ 30 euros et 80 euros. Quand une année est sèche, quand il y a peu d'eau, ou quand il y a des longues maintenances de réacteur nucléaire, sur le Nord Pool, le prix de l'électricité peut même monter jusqu'à, on l'a vu, 80 euros. Cela dit, il est en général, et c'est le cas en ce moment, plutôt de l'ordre de 31 euros ou 32 euros sur cette bourse.

L'un des enseignements de cette volatilité, qui reflète finalement l'équilibre entre l'offre et la demande, c'est qu'il faut un mix diversifié, afin, justement, de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, notamment en fonction des aléas climatiques.

La production électrique en Suède était composée en 2010 de 46 % d'hydroélectricité, de 38 % de nucléaire et de 2,4 % d'éolien, la petite partie restante provenant marginalement d'énergies fossiles et de biomasse.

C'est un mix énergétique compétitif, très peu émetteur de CO2. D'ailleurs, le régulateur suédois, qui est par ailleurs doté de très forts pouvoirs réglementaires et de sanction, évalue l'efficacité du système électrique à l'aune non pas uniquement du prix de l'électricité, mais aussi de sa compétitivité environnementale. On prend donc en compte les dimensions financière, environnementale et énergétique.

La production électrique en Suède est ouverte à la concurrence, et aucun acteur, même Vattenfall, n'atteint 50 % des parts de marché sur quelque segment que ce soit. Par exemple, E.ON a des actifs de production hydroélectrique en Suède. EDF avait aussi voilà quelques années encore un certain nombre d'actifs de production en Suède, mais l'entreprise les a revendus depuis.

La règle en ce qui concerne le nucléaire en Suède, c'est la copropriété des centrales nucléaires. Toute centrale nucléaire est une société anonyme ayant des actionnaires : un actionnaire majoritaire qui est l'opérateur de la centrale, responsable devant l'autorité de sûreté, et des actionnaires minoritaires, qui peuvent, là encore, être E.ON ou Fortum, voire un industriel électro-intensif, et qui, eux, ont des droits de tirage sur la production de la centrale au prorata de leur part. Le gros intérêt qu'une centrale nucléaire soit une société anonyme, c'est surtout la transparence des coûts : séparation patrimoniale et juridique implique transparence totale et « auditabilité » des comptes de la société.

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