Nous arrivons au terme d'un cycle d'investissements et, à mon sens, les coûts réels de l'électricité doivent être analysés avec ce recul historique. La question de la concurrence - fait-elle croître ou baisser les prix ? - doit toujours être posée à travers ce prisme.
Comment limiter la hausse des coûts réels de l'électricité - c'est tout de même la perspective qui nous attend -, que cette augmentation soit provoquée par les enjeux relatifs au nucléaire, à l'intermittence et donc aux nouveaux moyens, aux investissements dans le renouvelable ou à la modernisation du mix thermique ? L'ensemble de ces facteurs va conduire à une hausse des coûts.
En outre, il est indispensable de partager les investissements entre acteurs. C'est également une raison pour laquelle il faut plusieurs opérateurs par pays, de même que les opérateurs pétroliers n'investissent pas seuls dans de grandes plates-formes offshore : du reste, on le constate, lorsque survient un incident sur une plate-forme, on est content de partager la responsabilité. On partage les risques ! Voilà pourquoi les mécanismes d'assurance que nous avons évoqués et d'investissements communs de copropriété sont absolument indispensables.
Un autre aspect de la concurrence, distinct des prix et qui est indispensable, c'est l'innovation, l'émulation : je le mentionne, aucun acteur historique français n'avait songé à convertir une tranche thermique en tranche « biomasse ». Il a fallu qu'un acteur européen arrive et s'interroge : « Pourquoi ne le ferait-on pas ? » Pourquoi pas, étant donné que l'on dispose d'un lit fluidisé en Suède de 100 mégawatts ? On sait donc que c'est possible ! Ce faisant, on rapproche des idées. Cela ne signifie pas qu'un opérateur est nécessairement meilleur qu'un autre, mais que nous avons des expériences différentes.
Selon nous, cette question est également vitale : pour ce qui me concerne, je vais devoir prendre des décisions majeures sur les plans social et industriel au cours des mois et des années à venir. Mes arbitrages dépendront largement des positions adoptées par les pouvoirs publics, de cette fameuse politique énergétique française qui, jusqu'à présent, est restée assez cohérente dans la durée. Pourvu que cette constance perdure !
À mon sens, trois mesures importantes doivent être adoptées au cours des mois à venir.
Premièrement, il faut assurer la mise en oeuvre de la loi NOME, avec, ce qui a été souligné, un dispositif conduisant vers davantage de concurrence. Cela signifie la fin des tarifs jaune et vert et l'additionnalité des coûts permettant d'aboutir à la vérité des prix et des tarifs. Cela signifie la mise en oeuvre du marché de capacité, avec un bon market design, critère indispensable pour que soient réalisés les investissements à l'hiver 2015-2016.
Deuxièmement, au fil des années, les acteurs publics devront tenir leurs engagements quant à l'ouverture du marché en matière d'hydroélectricité. Ils devront encourager les énergies renouvelables créatrices d'emplois, comme la biomasse.
Troisièmement, et enfin, dans un cadre européen, il faut tout faire pour que le marché du CO2 « reprenne du poil de la bête », en envoyant de nouveau les bons signaux de prix : à ce jour, ce marché s'est effondré, il n'a plus la moindre visibilité. Or, ce critère est fondamental pour prendre les décisions d'investissement.