Pour répondre à la question du président Jean-Pierre Sueur, je ne mets pas en cause la suppression du décret de grâce le jour de la fête nationale, ni la suppression de la corrélation entre l'élection présidentielle et la loi d'amnistie car son contenu ne peut en faire un rendez-vous automatique. Mais on peut réfléchir à une amnistie sagement pensée. L'amnistie est en effet un moyen de gouvernement comme un autre, ce n'est pas une incongruité démocratique.
Sur la prévention de la récidive, il est difficile de la séparer de l'insertion ou réinsertion de la personne.
Je suis favorable à l'encellulement individuel, car il faut préserver la vie privée y compris dans les établissements pénitentiaires. Cela n'empêche pas les détenus de se rencontrer.
L'évaluation des lois ne peut se limiter à la question de savoir si les décrets ont été pris. Le gouvernement doit fournir au parlement les connaissances dont il a besoin pour procéder à l'évaluation des lois, éventuellement par un canal central. Cela implique pour l'administration de modifier certaines habitudes. Aujourd'hui, l'administration pénitentiaire ne sait rien du devenir de ses pensionnaires ! Nous sommes le seul pays qui légifère sans évaluer les lois existantes.
Je confirme ce que vous avez dit à propos des fouilles. Leur efficacité ne tient pas à ce qu'on trouve à cette occasion : de ce point de vue, elle est très faible. Une fois sur trente, on trouve quelques grammes de cannabis, ce qui est très peu au regard des quantités de drogue qui circulent en prison. La vraie efficacité des fouilles relève effectivement de l'exercice de l'autorité - ce que je peux comprendre.
La majorité de nos maisons d'arrêt avoisine 150 détenus ; les relations y sont incomparablement meilleures que dans les gros établissements.
Je ne suis pas opposé à la construction de nouveaux établissements mais à la façon dont ceux-ci sont conçus depuis quinze ans, d'une manière qui renforce l'isolement des détenus.
La privatisation des cantines peut aboutir à des sauts de prix importants, que des contrats sont censés limiter : les prix ne peuvent être supérieurs de 10% à ceux du supermarché.
Il y a un décalage entre la formation théorique et la formation sur le tas des surveillants. Je serais favorable à ce que l'on retourne à l'ENAP un an après l'entrée en fonctions, de même qu'à la mise en place d'un dialogue horizontal entre les surveillants des différents établissements.
Sur l'ordre public, il existe beaucoup de règles de fonctionnement implicites. L'administration a souvent recours à des délateurs, ce qui suscite des conflits entre les détenus. Il faudrait qu'il y ait au minimum deux surveillants pour les 70 détenus d'une coursive, afin que l'un d'eux puisse être à l'écoute. Les détenus ne demandent qu'à parler de leurs malheurs ! Compte-tenu des effectifs et des dimensions des établissements, nous ne sommes pas en mesure d'assurer cette écoute. Or, l'ordre public en dépend.
Je crois aussi qu'il faut fixer aux directeurs d'établissement des objectifs de moyen terme, car ils ont tendance à organiser leur travail au jour le jour.
Sur les requêtes, je reconnais qu'il existe un réel problème de circulation du courrier, sur lequel j'ai émis un avis dont j'attends qu'il soit suivi d'effet.
Aux États-Unis, il y a 750 détenus pour 100.000 personnes, en France, 102. Pour retrouver un chiffre aussi élevé, il faut remonter à 1886. La population carcérale a beaucoup augmenté au cours des trente dernières années, bien plus que la délinquance qui a baissé. Il n'y a pas de lien entre le volume de la population carcérale et la délinquance : cette augmentation de la population carcérale est donc due à l'évolution de notre législation pénale. Les comparaisons européennes dont nous disposons sont réalisées dans le cadre du Conseil de l'Europe, qui intègre les chiffres de pays de l'Est qui ont gardé des habitudes soviétiques en la matière. Il est plus instructif de nous comparer aux autres pays de l'Union européenne et, là, nous sommes en haut de la fourchette.