Intervention de Guillaume Daieff

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 23 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Guillaume daIeff juge d'instruction au pôle financier du tribunal de grande instance de paris

Guillaume Daieff, juge d'instruction au Pôle financier du Tribunal de grande instance de Paris :

A priori non, je n'ai pas eu de souci lié à un problème de prescription.

J'en viens à votre deuxième question sur la sanction d'une absence de réponse par un État requis auquel nous sommes pourtant liés par une convention d'entraide judiciaire. C'est un sujet important qui m'amène à vous parler un peu du Royaume-Uni.

Le Royaume-Uni a signé toutes les conventions d'entraide judiciaire les plus « engageantes », et cela devrait être formidable, aussi formidable qu'avec les autres États de l'Union européenne. Mais il est extrêmement difficile d'obtenir l'entraide judiciaire du Royaume-Uni. Pour dire les choses simplement, si vous leur demandez quelque chose, ils ne le font pas. Ils ne le font que s'ils vous demandent quelque chose et que, dans ce cas-là, vous le faites. C'est très pragmatique, c'est tout simplement du donnant-donnant !

À ce sujet, il serait bon que le ministère de la justice et, en l'espèce, le Bureau de l'entraide pénale internationale, se dote des moyens nécessaires pour, à un certain moment, rassembler les demandes entrantes du Royaume-Uni, les demandes sortantes de la France et faire en sorte - ce sera leur job - de « secouer » un peu les autorités du Royaume-Uni.

Par exemple, un juge de Boulogne-sur-Mer a reçu une demande d'entraide du Royaume-Uni et l'a exécutée bien gentiment. C'est notre devoir. Mais les demandes d'entraide que j'adresse au Royaume-Uni, elles, reviennent soit sans être exécutées, soit en étant exécutées au bout d'un an. Le ministère de la justice devrait rassembler tout cela et dire au juge de Boulogne-sur-Mer : vous ne répondez pas tant que Guillaume Daieff n'a pas eu sa réponse.

Cela demande aussi beaucoup de moyens parce qu'il faut suivre l'exécution des demandes d'entraide. Et le dire, ce n'est pas le faire ; c'est difficile.

Là aussi, dans le cadre des conventions multilatérales, vous avez, en général, un mécanisme d'évaluation qui est mis en place par la convention elle-même. Ce sont des exercices très importants au cours desquels les États membres, les « pairs », s'évaluent les uns et les autres et essaient de montrer qu'eux-mêmes répondent bien, mais que les autres répondent mal et essaient de mettre la pression sur ces derniers. Cela demande aussi beaucoup de moyens en personnel, et c'est un sujet important.

Enfin, sur l'exemplarité de la peine, on pourra toujours reprocher à un juge d'instruction, quand il pense que la personne qu'il a renvoyée devant le tribunal est effectivement coupable, puisque son travail consiste à se poser la question de sa culpabilité, de vouloir qu'une peine plus forte soit prononcée. Quoi qu'il en soit, la peine a, me semble-t-il, un caractère d'exemplarité aussi important en matière de fraude fiscale que dans toute autre matière.

J'aimerais savoir quelles sont les peines prononcées aux États-Unis. On a coutume de voir là-bas, pour des infractions financières, des peines de plusieurs années d'emprisonnement alors qu'en France, quand on arrive à deux ou trois ans d'emprisonnement, on considère que le tribunal a été sévère. Aux États-Unis, les peines peuvent atteindre quinze ou vingt ans, quand ce n'est pas plus.

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