J'ai évoqué tout à l'heure le problème de l'abus de droit que constitue la requalification de la situation de non-résidence fiscale d'une personne en fonction des critères prévus par la loi. Vous connaissez bien ce sujet.
Je dois dire que j'ai été frappé par l'audition du représentant de TRACFIN. Bien sûr, cet organisme dispose d'effectifs insuffisants pour un travail considérable, qui recouvre les grands trafics de drogue, le terrorisme, etc. Mais c'est vous, législateurs, qui avez élargi le spectre de la lutte contre le blanchiment d'argent. En l'occurrence, je pense aux notions d'auto-blanchiment et de délit pénal à caractère fiscal. Autant que je sache, même si je ne suis pas expert en droit français, toute personne qui, en France, serait reconnue coupable d'utiliser de l'argent provenant d'un délit susceptible d'être puni d'une peine de six mois d'emprisonnement - à titre d'exemple caricatural mais emblématique, sachez que ce pourrait être le non-paiement d'une pension alimentaire - pour investir dans quelque activité que ce soit, commet un délit d'auto-blanchiment d'argent, puni de peines extrêmement graves par la loi contre le blanchiment, que vous avez votée.
Appliquée à l'extrême, cette règle implique que toute personne faisant l'acquisition en France de n'importe quel bien - un véhicule, par exemple - est susceptible de devoir apporter la preuve au commerçant que la somme dépensée ne vient pas d'une opération de blanchiment d'argent provenant de la commission d'un délit passible d'une peine d'au moins six mois d'emprisonnement. C'est hallucinant ! Cette règle peut engendrer la paralysie complète du commerce français, mais c'est pourtant celle que vous avez votée ! Mais cette loi ne s'applique pas, car elle n'est à l'évidence pas applicable.
Si vous le permettez, je voudrais ouvrir une parenthèse en ma qualité de conseiller des Français de l'étranger et d'ex-président de la commission des lois et règlements de l'AFE, qui observe ce que font les parlementaires français.
À mon avis, vous avez une tendance trop maximaliste dans la rédaction des lois. J'ai le sentiment que les parlementaires en rajoutent, et le phénomène n'est pas propre à la France, car, comme ils ont le sentiment que ce qu'ils votent ne sera pas totalement appliqué, ils sont tentés d'aller plus loin pour, passez-moi l'expression, « ramasser ce qu'ils peuvent ».
Or, en matière de blanchiment d'argent, je puis vous assurer que vous allez « halluciner », si vous avez la curiosité de relire les textes français. Appliqués à la lettre, ils conduiraient à la paralysie de toutes les transactions, même les plus simples, puisqu'elles impliqueraient, de la part de celui qui se porterait acquéreur d'un bien, de justifier de l'origine de ses fonds.
Vous comprendrez bien que ce n'est pas possible, à l'heure où les fonctionnaires chargés de cette surveillance, je veux parler des agents de TRACFIN, sont déjà débordés avec le grand banditisme, les réseaux de trafiquants, notamment.
Permettez-moi de vous donner mon avis : à mon sens, c'est la conjonction d'un manque de moyens de ceux qui sont chargés du contrôle de l'application de cette législation et d'un spectre trop large de ladite législation qui pose problème.