Intervention de Frédéric Thiriez

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 23 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Frédéric Thiriez président de la ligue de football professionnel jacques saurel professeur de droit du sport à l'université d'aix-marseille et yann poac associé fondateur de la société hipparque patrimoine cabinet indépendant spécialisé dans la gestion de patrimoine et le conseil de la clientèle privée

Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d'abord de vous remercier de votre accueil. Je dois vous dire que c'est toujours un plaisir pour moi de venir au Sénat.

Je me souviens avoir participé, il n'y a pas si longtemps, aux travaux sur le sport animés par M. le sénateur Collin. Cet échange fut particulièrement intéressant. Dans le cadre des travaux législatifs, j'ai toujours beaucoup apprécié l'apport de la Haute Assemblée, et Dieu sait s'il y a eu énormément de chantiers législatifs ces dernières années !

Je suis donc honoré d'être entendu par votre commission. En même temps, je vous avoue que j'éprouve un peu d'appréhension, car je ne suis pas sûr de pouvoir vous apporter tout ce que vous attendez, si je lis bien la résolution ayant conduit à la création de cette commission d'enquête. J'espère ne pas faire preuve de trop d'incompétence. En tout cas, je viens avec beaucoup d'humilité.

En préambule, je dirais que mon job, si je puis parler familièrement, n'est pas de faire partir les capitaux, mais de les faire venir, ainsi que des revenus.

Je souhaite dire quelques mots sur le football professionnel et la Ligue de football professionnel en cinq points très rapides. J'espère ne pas trop vous ennuyer.

Le premier point est un rappel de ce qu'est la Ligue. Ce n'est pas une entreprise, bien sûr, mais une association loi de 1901, donc évidemment à but non lucratif. Elle est surtout délégataire de la puissance publique, c'est-à-dire de l'État, pour l'organisation des championnats professionnels. Il s'agit d'une spécificité de la ligue française, par rapport à ses homologues européens. En effet, à ma connaissance, nous sommes les seuls en Europe à avoir ces prérogatives de puissance publique, les autres ligues européennes étant généralement des organismes de nature commerciale. J'y insiste, nous sommes en charge de l'organisation des championnats professionnels et, à ce titre, nous sommes dotés de pouvoirs règlementaire, disciplinaire et tout ce qui va avec. Les seuls domaines qui nous échappent - ce ne sont pas les moins importants, malheureusement - sont l'équipe de France, gérée par la Fédération française de football, les agents de joueurs, lesquels relèvent également de la fédération, heureusement ou malheureusement, et l'arbitrage, aussi de la compétence de la Fédération. Pour le reste, la Ligue est compétente. Telle est la première mission, régalienne, de la Ligue.

La deuxième mission, peut-être la plus apparente, à défaut d'être la plus importante, est de nature commerciale. Je rappelle que nous organisons chaque année à peu près huit cents matchs de football professionnel, lesquels attirent à peu près dix millions de personnes dans nos stades, ce qui fait du football professionnel la première industrie de spectacle vivant en France, sans parler des quelque cent millions de téléspectateurs qui regardent nos championnats chaque année. Ce métier d'organisateur de spectacles est une réalité. Par ailleurs, notre rôle, conféré par la loi, est de centraliser les négociations pour les droits audiovisuels, qui représentent, comme vous le savez, l'essentiel des ressources de nos clubs, très précisément 57 % aujourd'hui. Nous sommes donc chargés de négocier de manière centralisée avec les chaînes de télévision et de répartir le fruit de ces négociations entre tous les clubs professionnels et le football amateur. Ce n'est pas la moindre des missions de la Ligue que d'assurer une répartition solidaire de ce que l'on appelle « la manne des droits télévisés » entre tous les acteurs du football.

En deuxième point, permettez-moi de vous citer quelques chiffres clés sur l'économie du football, simplement pour vous donner un ordre de grandeur. Le chiffre d'affaires du football professionnel, première division et deuxième division confondues, y compris les « ventes » de joueurs - pardonnez-moi cette terminologie journalistique, il faudrait plutôt parler de transferts -, est de 1,5 milliard d'euros. À titre de comparaison, c'est à peu près le chiffre d'affaires de l'industrie du cinéma. Pour autant, nous sommes nettement derrière nos concurrents européens. À cet égard, pour bien comparer les éléments, il faut prendre en compte non pas le chiffre d'affaires complet, « vente » de joueurs incluse, mais le chiffre d'affaires sans cette dernière activité puisque c'est ainsi que raisonnent les autres pays. Si l'on compare les championnats de première division, nous sommes en gros à 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires - je vous laisserai un tableau très précis sur ce point -, c'est-à-dire cinquième et, malheureusement, bon dernier des cinq grands championnats européens, puisque le chiffre d'affaires de l'Espagne et de l'Italie se situe aux alentours de 1,6 milliard d'euros, celui de l'Allemagne s'établit à 1,7 milliard d'euros, et celui de la Premier League anglaise, très loin devant, atteint 2,5 milliards d'euros.

J'aimerais dire un mot également sur ce que peut apporter le football professionnel aux finances publiques en général. Je cite souvent un chiffre éloquent, ce qui m'est parfois reproché : ce qu'apportent la Ligue, les clubs de football et les footballeurs professionnels à l'État et aux organismes sociaux en termes d'impôts et de charges sociales représente environ 620 millions d'euros par an. Je tiens à votre disposition la décomposition plus précise de cette somme, laquelle équivaut à peu près au montant des droits télévisés.

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