Il importe de considérer la question des pesticides au regard des connaissances scientifiques d'aujourd'hui. Il y a eu, en effet, une mutation dans l'étude des risques cliniques et nous sommes actuellement dans le troisième âge de la prévention.
Avant-guerre, on ne se préoccupait pas de prévention, je date donc le premier âge de la prévention à l'après-guerre, quand la réflexion s'est développée en termes de valeurs-limites et de normes. On a construit un référentiel qui est encore utilisé dans le milieu du travail. Un deuxième référentiel a été construit dans les années cinquante, fondé sur la distinction, nouvelle à l'époque, entre les effets cancérogènes et les effets non cancérogènes. Pour ceux-ci, on a raisonné en seuil de dose journalière admissible (DJA) en appliquant un double facteur de sécurité pour tenir compte à la fois de l'extrapolation à partir de l'animal et de la variété des situations dans l'espèce humaine. A l'époque, on considère que les atteintes à la reproduction se déclenchent à partir de seuils. Pour les atteintes génotoxiques, autrement dit les cancers, il n'y a pas de seuil et l'on définit un risque acceptable : un cas supplémentaire sur 100 000 personnes exposées. Notre système de normes reste fondé sur cette vision.
Le troisième âge de la prévention se construit en ce moment-même, autour de la notion de perturbateur endocrinien, terme inventé il y a vingt ans, très exactement le 26 juillet 1991 par John P. Meyers, à Wingspread, lors de la réunion interdisciplinaire organisée par le Pr Theo Colborn où vingt-et-un scientifiques de disciplines différentes ont constaté des points communs dans les atteintes subies par les humains et la faune : à chaque fois, le système hormonal était touché.