Intervention de Ambroise Fayolle

Mission commune d'information Agences de notation — Réunion du 5 juin 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Ambroise Fayolle administrateur représentant la france auprès du fonds monétaire internationale fmi

Ambroise Fayolle :

Je suis très honoré de venir devant votre mission. Mon point de vue ne représentera pas nécessairement celui de l'institution, bien qu'il s'appuie largement sur les travaux que le FMI mène, depuis quelques années, sur les agences de notation.

Dans un rapport de 2010 sur la stabilité financière internationale, le Fonds a consacré un chapitre entier à la notation du risque souverain. Les agences notent de manière relativement acceptable le risque souverain, jugeait le FMI, tout en pointant l'importance des marges d'amélioration en matière de méthodologie. Son regard est plus sévère sur l'analyse des produits structurés, qu'il considère faible. D'après lui, deux défaillances mises à jour par la crise sont à corriger. D'abord, le caractère procyclique des notations de crédit, qui a malheureusement joué un rôle dans le déclenchement puis l'extension de la crise. L'abaissement d'une note dans la catégorie « spéculative » provoque de forts mouvements sur les CDS. Les analystes du FMI soulignent également, à la suite de Joseph Stiglitz lors de la crise asiatique, la moindre stabilité des notations souveraines en période de crise : 63% de stabilité pour les Etats souverains durant cette crise, 68% lors de la crise de 1997. Sachant que les baisses sont plus marquées et fréquentes pour les meilleures notations.

Ensuite, je voudrais évoquer le rôle excessif des références aux notations, y compris dans des contrats privés. C'est particulièrement évident pour la réglementation prudentielle : les agences ne sont pas soumises aux mêmes obligations que les banques, contrôlées par des superviseurs. Le problème n'est pas tant la notation en soi que la dépendance des investisseurs, des créanciers, des emprunteurs à son égard pour des raisons juridiques et prudentielles, mais aussi parfois de simple commodité.

Parmi les pistes de réforme, le FMI défend, comme la plupart des pays avancés, la réduction de la dépendance réglementaire aux notations. Cela passe par la suppression du recours automatique aux notations, en particulier dans la construction de certains indices obligataires. Ce processus, gardons-le à l'esprit, sera long si nous voulons éviter des effets collatéraux néfastes. En revanche, se passer de toute référence aux notations serait peu réaliste. Les petits investisseurs ont besoin de cet outil, étant dépourvus de capacité d'analyse propre. Ensuite, il faut continuer d'améliorer la régulation directe des agences de notation. Celle-ci donne des résultats, note le Fonds, à considérer les règles imposant des obligations d'enregistrement aux agences.

Concernant la méthodologie, les effets de seuil sont à limiter ; les experts considèrent qu'il faut encourager des approches tenant compte du cycle économique. Il serait préférable de mesurer directement la probabilité de défaut car, contrairement à ce que pensent de nombreux investisseurs, la notation ne la reflète pas forcément. Enfin, il faudrait porter plus d'attention à la composition des dettes souveraines, notamment à leur maturité moyenne. Dans ce domaine, la récente crise a eu ceci de positif que la demande d'une plus grande transparence de la part des émetteurs a contribué à améliorer la notation.

Le FMI souhaite le renforcement de la concurrence pourvu que cela n'affaiblisse pas la qualité des notations. Tout nouvel entrant devra passer par un processus très long d'acquisition de crédibilité. Il a fallu vingt ans à Fitch pour être reconnue aux côtés de Standard and Poor's et de Moody's. L'arrivée d'un nouvel entrant suppose également des ressources très importantes afin d'acquérir des méthodologies performantes et de recruter des analystes réputés. Enfin, il faut veiller au risque de conflits d'intérêts.

En quoi le FMI se distingue-t-il des agences de notation ? Il utilise peu les rapports et les notations des agences ; il en prend connaissance sans faire reposer son analyse des pays dessus. Il n'est pas noté puisque, contrairement à la Banque mondiale, il n'emprunte pas sur les marchés.

Lui-même ne note pas les pays, ce serait contraire à la nature profondément coopérative de l'institution. Le FMI n'est pas là pour classer les Etats membres, sa vocation est de leur accorder des prêts lorsqu'ils connaissent une crise de la balance des paiements. Et ce, à un taux d'intérêt qui est toujours semblable et totalement indépendant de leur notation. Le mandat de l'institution est de promouvoir la coopération monétaire internationale, la stabilité des changes et l'expansion harmonieuse du commerce international. Autrement dit, le FMI a un rôle de surveillance, pas de régulateur ni de superviseur. D'où la montée en puissance du Conseil de stabilité financière.

Le travail de surveillance bilatérale passe par l'établissement d'un rapport annuel, public ou non selon le souhait des Etats. Certains grands pays préfèrent la confidentialité. Ce rapport repose sur des visites approfondies auprès, dans le cas de la France, des présidents et des rapporteurs généraux des commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale, des services ministériels concernés ainsi que des banques et des grands acteurs de l'économie, comme le patronat et les syndicats. A partir de ce constat, qui fait l'objet d'une discussion avec l'Etat membre, les analystes formulent des recommandations de politique économique, qui sont soumises au conseil d'administration avant d'être rendues publiques. Le FMI travaille donc davantage en interaction avec les Etats que les agences de notation, ce qui n'exclut pas l'existence de tensions avec les pays. Quoi qu'il en soit, son objectif n'est pas d'établir un classement reposant sur des critères. Et puis, lesquels retenir ? Sans doute ne parviendrait-on pas à s'accorder sur ce point.

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