En janvier 2012, l'un des principaux établissements spécialisés dans le crédit renouvelable a annoncé un plan de restructuration accompagné de la suppression de plusieurs centaines d'emplois. Faut-il y voir un effet de l'application de la loi Lagarde ou de la crise ? Nul ne peut le dire exactement. On peut noter que dans le même temps, d'après les statistiques de la Banque de France de 2011, le nombre de dépôts de dossiers de surendettement a fortement augmenté...
Notre rapport s'ouvre sur un bref rappel des objectifs de la loi Lagarde : un emprunteur mieux éclairé, un emprunteur mieux protégé et un prêteur davantage responsabilisé. Ce texte, le plus structurant depuis la loi Neiertz de 1989, concluait un travail de longue haleine, qui s'est traduit par de nombreuses propositions de loi. Il a rempli partiellement ses objectifs ; il est temps de le compléter et de l'améliorer.
Durant trois mois, nous avons auditionné vingt personnes et effectué quatre déplacements : à Lyon, Lille, Strasbourg et en Seine-Saint-Denis, tous lieux stratégiques pour le surendettement. Au terme de cette enquête, il apparaît que l'application de la loi est satisfaisante. La concertation sur la rédaction des décrets a été réelle, en amont comme en aval. Le texte comportait 35 mesures d'application, il en reste seulement quatre à prendre et, de surcroît, sur des aspects qui ne sont pas fondamentaux. Au total, le taux d'application est de 90%, ce dont on peut se réjouir.
Dans une deuxième partie du rapport, Anne-Marie Escoffier et moi-même détaillons la restructuration profonde du crédit à la consommation qu'a entraînée la loi Lagarde. Pour les organismes de crédit, la mise en conformité avec la réforme a été un chantier lourd et coûteux, à commencer par l'encadrement de la publicité. Celui-ci passe par le renforcement des mentions obligatoires qui doivent figurer dans une police de taille plus importante que les autres éléments du texte. Il s'agit des principales données du crédit, illustrées par un exemple représentatif, ainsi que de la mention : « Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager. » Il est interdit en outre de prétendre que le crédit améliore la situation financière de l'emprunteur.
Deuxième chantier, la refonte des contrats. En principe, un encadré résumant les principales caractéristiques du crédit doit les rendre plus lisibles ; la liasse contractuelle est plus complète, à telle enseigne qu'elle compte parfois 36 pages ! Un emprunteur moyen y comprend-il quelque chose ? La question est posée.
Je précise que, pour mettre un terme à ces crédits qu'on n'avait jamais fini de rembourser, le crédit renouvelable peut évoluer en un crédit amortissable. En outre, la loi a fixé la durée de remboursement du crédit renouvelable à 36 mois pour un crédit inférieur à 3 000 euros et à 60 mois pour un crédit supérieur à 3 000 euros. En outre, la mensualité comporte dorénavant une part non négligeable de remboursement du capital.
Troisième chantier, la formation des vendeurs, une obligation que les organismes de crédit avaient largement anticipée. Les programmes concernent les responsables de vente, les vendeurs de crédit mais aussi les vendeurs en magasin. L'obligation de formation, confirmée par une attestation à présenter en cas de contrôle, entre en vigueur au 1er juillet 2012.
Enfin, le chantier informatique qui, selon les organismes de crédit a coûté davantage que le passage du franc à l'euro et la prévention du bug de l'an 2000. Je rappelle que la chaîne informatique permet notamment à la maison-mère de valider ou de refuser à distance un crédit.
Le contrôle est indispensable pour une bonne application de la loi. Deux institutions en sont chargées : l'Autorité de contrôle prudentiel, qui intervient a priori, et, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui est chargée de constater les manquements sur le terrain. Pour l'heure, la DGCCRF a lancé une enquête nationale ainsi que des enquêtes locales ciblées. Ces derniers mois, le but était pédagogique : accompagner les professionnels, plutôt que les sanctionner - ce qui viendra dans un second temps. Pour améliorer le contrôle sur l'information orale délivrée par le vendeur, nous suggérons d'autoriser les agents de la DGCCRF à travailler de manière anonyme.
Quel a été l'impact de la loi de 2010 sur le marché du crédit à la consommation ? Depuis la forte baisse de 2009, le marché était resté globalement stable. Au premier trimestre 2012, il a cependant accusé une forte baisse de 10,5%. Il faut certainement y voir aussi l'impact de la crise et des incertitudes liées à la période électorale, auquel le marché de l'immobilier est très sensible. Cela dit, le recours au crédit renouvelable diminue : en 2011, il a baissé de 6,5% tandis que les prêts personnels amortissables ont augmenté de 8,4%. Autrement dit, le crédit renouvelable commence à se recentrer sur sa vocation originelle : des crédits de trésorerie pour des achats de faible montant. Entre 2010 et 2011, le nombre de crédits renouvelables supérieurs à 3 000 euros a baissé de 26%.
Cette diminution en volume du crédit renouvelable s'accompagne d'une réduction de la durée et du coût du crédit, mais seulement dans le cas d'une utilisation unique. Nous manquons de chiffres pour mesurer le phénomène de réutilisation de crédit. De là notre proposition de statistiques consolidées et cohérentes entre la Banque de France et les fédérations professionnelles sur le crédit renouvelable et le regroupement de crédits.
Malgré ces avancées, l'application de la loi est trop restrictive, ce qui n'est pas conforme à ce que Mme Lagarde ni le législateur ont voulu. Les publicités sont encadrées, mais les sollicitations commerciales restent trop nombreuses. Je pense notamment aux relances pour inciter les clients à atteindre leur plafond de crédit ; le démarchage par téléphone ou courrier continue. Nous préconisons d'élargir la notion de lots promotionnels aux réductions en numéraire et d'interdire le démarchage commercial.
De même, il faut interdire les cartes « confuses » que proposent les grandes surfaces à leurs clients. Souvent, le client veut simplement voir sa fidélité récompensée sans disposer forcément d'une nouvelle carte de crédit.
La formation, qui n'est pas toujours totalement assimilée par les vendeurs de terrain, est à poursuivre. Dans les grandes surfaces, les vendeurs proposent souvent un crédit. Si la vente dépasse 1 000 euros, ils doivent faire mention de la possibilité d'un crédit amortissable. Ils doivent être incités à proposer d'abord l'achat comptant puis, si ce n'est pas possible, la souscription d'un crédit amortissable ; le crédit renouvelable ne doit venir qu'ensuite.
Enfin, la vérification de la solvabilité est à renforcer. Aujourd'hui, les vendeurs ont l'obligation de remplir une fiche de dialogue qui, comme son nom l'indique, est largement déclarative. Aujourd'hui, aucune pièce justificative n'est exigée pour un crédit inférieur à 1 000 euros ; un justificatif de domicile, une pièce d'identité et un justificatif de revenu suffisent pour un prêt supérieur à 1 000 euros. Vérifier sérieusement la solvabilité de l'emprunteur suppose d'évaluer ses ressources mais de prendre aussi en compte ses charges. Cela impose, à notre sens, de rendre obligatoire la présentation des trois derniers relevés de compte bancaire pour toute souscription de crédit.
Pour terminer, quelques pistes d'amélioration. Des activités connexes au crédit à la consommation restent mal surveillées. C'est le cas du regroupement de crédits, qui fait souvent figure de dernier recours avant le dépôt d'un dossier de surendettement. Il présente l'inconvénient majeur d'allonger les durées de remboursement, parfois jusqu'à dix ans. Or, durant cette longue période, le souscripteur peut connaître bien des aléas. Il faut donc, à notre sens, soumettre les intermédiaires de crédit aux mêmes règles que les banques et organismes de crédit et limiter les durées de remboursement des opérations de regroupement de crédits.
Autre point, l'assurance sur le crédit, qui est souvent obligatoire pour les crédits immobiliers ou les prêts automobile. Seuls les emprunteurs les plus avertis savent qu'elle peut être découplée du prêt. Il faut remédier au manque de communication sur ce point.
Enfin, les découverts bancaires. Ils progressent à mesure que diminue l'utilisation des crédits renouvelables, ce qui contribue, mois après mois, à aggraver la situation de certains ménages. Le phénomène doit faire l'objet d'un suivi attentif, qui pourra être confié à un comité de suivi de l'usure pérennisé.