Le surendettement, auquel nous consacrons la troisième partie du rapport, est un problème au moins aussi important que les conditions d'octroi du crédit ; ce n'est pas le moindre des intérêts de la loi Lagarde que d'en traiter ensemble.
Quelle est la situation ? Avec la crise, le nombre de dossiers de surendettement déposés a progressé de 6% entre 2010 et 2011, soit 232 000 dossiers de plus qui viennent s'ajouter aux procédures en cours pour atteindre un total de 746 000 dossiers. La détresse des personnes surendettées est financière, sociale et psychologique. On ne le dira jamais assez car, très souvent, les personnes concernées, précarisées, préfèrent rester dans l'ombre. De plus en plus, le surendettement vient, non d'un excès de crédit, mais de ressources structurellement trop faibles pour faire face aux charges. La précarisation est forte ; en dix ans, le nombre de retraités surendettés a doublé.
Le législateur, qui a pressenti cette évolution, a cherché à la contrecarrer en confortant la loi Neiertz. Le premier objectif de la loi Lagarde est d'accélérer les procédures afin d'éviter que la dette ne gonfle durant le traitement du dossier de surendettement. La loi a imposé un délai d'examen de la recevabilité du dossier de 3 mois, contre 6 auparavant, ce qui correspond d'ailleurs à la pratique. Surtout, les commissions de surendettement, dont le secrétariat est confié à la Banque de France, et qui sont présidées par le préfet ou son représentant, peuvent décider directement un rééchelonnement de la dette ou un effacement des intérêts sans passer par une procédure judiciaire. Enfin, une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire a été créée lorsque la situation de la personne est « irrémédiablement compromise ». Celle-ci rend possible de façon plus efficace un effacement des dettes après une homologation par le juge.
Le deuxième objectif de la loi Lagarde est de mieux protéger le débiteur dès lors que son dossier est déclaré recevable. Cela passe par la suspension des mesures d'exécution et le rétablissement le plus rapidement possible du droit aux allocations personnalisées au logement. Aujourd'hui, la suspension dure un an maximum jusqu'au plan conventionnel de redressement, aux mesures imposées ou recommandées ou encore jusqu'à la procédure de rétablissement personnel avec ou sans liquidation judiciaire. Autres mesures de protection, la réduction à cinq ans de la durée maximale d'inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) tenu par la Banque de France et à huit ans celle des mesures de redressement. Grâce au travail minutieux de la Banque de France, le mode de calcul du budget « vie courante » est enfin harmonisé. Aujourd'hui, ce budget, qui inclue les frais de garde des enfants et les frais de déplacement professionnel, représente 700 euros en moyenne, la grille étant cependant suffisamment souple pour s'adapter à la réalité du terrain. Enfin, l'accompagnement social.
En dépit de ses avantages, la loi présente toujours, à entendre les personnes concernées, des inconvénients. D'abord, le nouveau dispositif de rétablissement personnel ne fait pas intervenir le juge, sauf liquidation judiciaire : le débiteur peut déposer un dossier auprès de la commission de surendettement sans jamais être entendu. La démarche s'en trouve banalisée et peut conduire à un nouveau dépôt de dossier. Le pourcentage de redépôt est de l'ordre de 40% ; les juges estiment qu'il y a là une lacune de la loi.
Ensuite, les créanciers mettent à mal la suspension des mesures d'exécution en exigeant des « mensualités de contact » ou, dans le cas des Caisses d'allocations familiales (CAF) par exemple, en prélevant le remboursement des indus sur les aides versées.
Le décalage entre la durée maximale d'inscription au fichier des incidents et celle des mesures de redressement peut également inciter certains débiteurs, qui se sentent « libérés » de l'inscription au FICP, à souscrire de nouveaux crédits. Nous suggérons d'aligner les deux durées sur 8 ans.
Enfin, si le fonctionnement des commissions de surendettement est relativement satisfaisant, il faut que le conseil général et la CAF y soient systématiquement représentés. Il convient également de fusionner les décisions de recevabilité et d'orientation afin de gagner du temps et d'autoriser un recours unique - ce qui revient d'ailleurs à entériner la pratique actuelle.
J'en finis par nos autres propositions. Pour mieux tenir compte de la longueur des procédures, nous préconisons de porter la durée maximale de suspension des mesures d'exécution de 12 à 18 mois. Une autre idée nous tient à coeur : mieux articuler droit du surendettement et droit au logement. Aujourd'hui, des ménages sont expulsés faute de n'avoir pas payé leurs loyers alors que la commission de surendettement leur interdit le paiement des dettes. Le recours au juge est possible, mais il est compliqué.
Il faut également poser le principe de l'accompagnement social obligatoire de tous ceux qui déposent un dossier pour la deuxième fois. Et, comme l'avait proposé Muguette Dini dans un amendement qui a été rejeté, il est nécessaire de donner, dans le cadre scolaire, des notions de base sur la gestion d'un budget familial, et l'équilibre à trouver entre ressources et dépenses.
Merci aux collègues du Sénat qui ont porté cette loi efficace, au premier rang desquels Philippe Dominati.