Selon moi, en matière d'attractivité fiscale, il y a un terrain sur lequel la France est peut-être championne toutes catégories, même si ce n'est pas toujours très bien compris, c'est la fiscalité de la propriété intellectuelle à caractère industriel, c'est-à-dire les brevets et le savoir-faire technique indispensable à l'exploitation des brevets, l'article 39 terdecies du code général des impôts.
Pourquoi ? Parce que cet article permet de taxer à 15 %, donc à un taux réduit, hors surcharge, les redevances d'exploitation des brevets, alors que les frais de recherche et de développement sont déductibles de l'assiette normale, et que, par ailleurs, elles ouvrent droit au fameux crédit d'impôt recherche.
De ce point de vue-là, le dispositif est particulièrement efficace et il a, je crois, très largement participé de la politique industrielle de la France depuis les années soixante.
Somme toute, le Royaume-Uni vient d'essayer de nous copier, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg ont des dispositifs similaires, mais qui se sont étendus à la propriété intellectuelle de nature commerciale, donc tout ce qui est détention de marques et détention de savoir-faire en matière de marketing international. Ce n'est pas notre cas ; c'est un peu la vision gaullienne de la fiscalité : tout ce qui est politique industrielle, propriété intellectuelle à caractère industriel est noble, tandis que la propriété intellectuelle à caractère commercial le serait moins et mériterait moins les attentions du législateur fiscal.
Voilà un terrain sur lequel la France a un dispositif qui lui permet de résister très largement au phénomène de délocalisation de la propriété intellectuelle auquel d'autres pays peuvent faire face.
Les Etats-Unis notamment, en tout cas pour l'exploitation de la propriété intellectuelle en dehors du territoire américain, sont souvent sujets à des localisations qui ne sont pas exemptes de préoccupations fiscales. Voilà pour citer un exemple d'attractivité particulière à la France.
J'en viens à votre deuxième question.
La matière des prix de transfert est extrêmement dangereuse pour les entreprises. Quand elles consultent de grands cabinets comme les nôtres, c'est d'abord souvent en vue de se prémunir contre ce risque de double imposition économique que je vous dépeignais tout à l'heure.
Il est très facile de contester le prix d'une transaction intragroupe, au motif qu'elle ne serait pas rigoureusement la même que ce qui aurait été pratiqué entre parties indépendantes, alors qu'il n'existe pas d'étalon véritable, objectif, puisqu'il n'y a pas souvent de transactions exactement identiques pratiquées entre parties indépendantes. Il suffit que les autorités fiscales d'un pays décident que le rôle exercé par l'entité locale est plus important que celui qui est estimé par l'entreprise pour lui rattacher une base fiscale plus importante.
En la matière, un point est important à signaler à votre commission : les groupes français, comme d'autres, mais en particulier les groupes d'Europe, font face à des attaques extrêmement fortes, sérieuses, de la part des pays émergents, notamment dans la zone asiatique. Ces derniers ont bien compris que, au fond, leurs territoires ne pouvaient pas être que des territoires de distribution d'éventuelles productions venues d'ailleurs et cherchent systématiquement à considérer que les fonctions qui sont exercées selon le territoire méritent une rémunération bien plus élevée que celle qui leur est octroyée.
La matière des prix de transfert, qui consiste à attacher la juste valeur aux fonctions, aux risques et aux actifs qui sont employés par telle ou telle entité, se prête à des débats sans fin. Les traités internationaux ne corrigent pas, ou corrigent mal, la double imposition économique qui résulte d'une divergence d'appréciation entre les autorités fiscales.
En la matière, le seul remède véritable qui existe pour les entreprises consiste à négocier des accords préalables de prix de transfert entre autorités compétentes, accords qui sont de plus en plus pratiqués. C'est effectivement une bonne chose, puisque cela permet aux autorités fiscales de se pencher sur les conditions exactes d'une transaction. Mais ces procédures sont lourdes et coûteuses.
Evidemment, cela fait également le bonheur de structures comme les nôtres, car l'obtention d'un accord en matière de prix de transfert implique un accompagnement lourd qui n'est pas à la portée des entreprises les plus petites, ni de la plupart des entreprises pour couvrir la totalité de leurs transactions.
En général, pour les entreprises, la matière des prix de transfert est tout autant et même souvent bien plus une source de chicanes et de risques que d'optimisation fiscale. En effet, la seule optimisation n'est autorisée qu'à partir du moment où vous pouvez définir un profil opérationnel d'une entité qui justifie que vous lui rattachiez davantage de marge. Or la définition d'un tel profil opérationnel implique que vous la dotiez de fonctions humaines et d'un profil économique correspondant à la marge que vous allez lui attribuer.
Il n'est donc pas possible de créer une optimisation tombée du ciel, si je puis dire. Il y a nécessairement, derrière, une contrainte forte en termes de structuration de l'activité économique elle-même si vous voulez obtenir un résultat vous permettant d'allier un bon niveau d'imposition et une bonne localisation.