Intervention de Éric Fourel

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 9 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Eric Fourel avocat au barreau des hauts-de-seine avocat associé en charge d'ernst & young société d'avocats

Éric Fourel, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, avocat associé en charge d'Ernst & Young Société d'avocats :

Le choix succursale versus filiale est un terrain classique, historique, de questionnement autour de la bonne stratégie fiscale à employer.

Voilà deux ans, je crois, le Royaume-Uni a réformé son principe de territorialité mondiale pour finalement adopter un principe de territorialité restreinte, comme celui de la France, en tout cas face à des structures situées dans des pays conventionnés. Par conséquent, il n'est plus possible aujourd'hui de déduire au Royaume-Uni les pertes susceptibles d'être générées par des succursales situées à l'étranger. La France ne l'a jamais permis, en vertu, justement, de son principe de territorialité restreinte.

Je vais vous citer un exemple de paradoxe.

Le principe de territorialité français veut donc qu'on ne puisse pas déduire les pertes engendrées par des succursales à l'étranger. On aurait envie d'ajouter : a fortiori dans le cas d'une structuration d'une filiale, donc d'une entité autonome dotée d'une personnalité juridique propre.

En effet, on devrait encore moins essayer de remonter les pertes engendrées éventuellement par le démarrage de l'activité contre l'assiette française. Le dispositif législatif particulier qui l'autorise a, je crois, été supprimé par les dernières lois de finances rectificatives. Mais, indépendamment de ce régime spécifique, le fait d'utiliser une filiale nous conduit à avoir des relations contractuelles avec cette personnalité morale autonome et donc à lui consentir, par exemple, des prêts.

Par la suite, si la société filiale en question n'est pas in bonis et en capacité de rembourser votre prêt, vous pouvez tout simplement lui consentir un abandon de créance, assorti ou non d'une clause de retour à meilleure fortune. Ce sont des techniques de stratégie fiscale tout à fait classiques et vieilles comme le monde.

En fait, par le biais de l'abandon de créance, vous remontez indirectement la perte et le déficit générés par la filiale à l'étranger, qui, du coup, devient votre perte, puisque vous avez perdu le prêt et le financement que vous lui avez octroyés.

De ce point de vue, le choix succursale ou filiale n'est évidemment pas indifférent. Dans ce contexte-là, il est paradoxalement plus intéressant d'avoir une filiale. Mais une filiale, en général, génère un impôt sur les sociétés locales, plus une retenue à la source au moment où vous distribuez le dividende en France correspondant aux profits réalisés, alors qu'avec une succursale, dans la plupart des cas, vous payez l'impôt au niveau local et vous pouvez ensuite rapatrier le profit sans source supplémentaire de frottement fiscal local.

Selon le contexte dans lequel vous êtes, une activité qui va être rapidement profitable ou, au contraire, déficitaire en période de démarrage, vous pouvez avoir intérêt à choisir telle structure plutôt que telle autre, voire à la faire évoluer dans le temps.

Voilà un exemple de ce qu'est une réflexion fiscale autour d'un investissement à l'étranger pour un groupe français. Évidemment, le même type de questions existe pour les groupes étrangers. S'agit-il d'optimisation agressive ou de bonne stratégie fiscale ? À vous de juger !

Vous m'avez interrogé, ensuite, sur les grandes évolutions que l'on peut constater en matière de réglementations fiscales dans le monde.

Elles sont multiples, diverses, difficiles à décrypter, très largement mouvantes. C'est pour cela que le discours politique ambiant en France autour de la faible charge fiscale payée par les entreprises françaises me semblait, à titre personnel, être assez à contre-courant de ce qu'une bonne politique économique devrait conduire à penser.

Pour simplifier, je constate que la plupart des pays tendent à avoir une politique fiscale favorisant l'expansion de leurs entreprises nationales à l'étranger et parfois au détriment des fiscs locaux à travers un certain nombre de structures qui sont, sinon favorisées, du moins tolérées à partir du moment où elles ne portent pas atteinte à l'assiette fiscale de l'Etat du siège ultime.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion