Je suis heureuse de pouvoir parler de ce texte qui verra sans doute le jour avant la fin de l'été, je l'espère. Comme pour l'ensemble des violences faites aux femmes, il n'y a pas beaucoup d'études qui portent sur le harcèlement sexuel. Selon l'enquête menée en 1999 par la direction générale emploi de la Commission européenne, 40% des femmes en Europe disent avoir subi des avances sexuelles non désirées, un contact physique ou une autre forme de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail. Au regard de ce chiffre, que dire des 1 000 procédures par an pour harcèlement sexuel, dont 50% sont classées sans suite au motif que l'infraction n'est pas constituée ? Enfin, la plupart des peines d'emprisonnement prononcées sont assorties du sursis et le montant des amendes est en moyenne de 1 000 euros. Il nous faut donc mieux connaître le phénomène pour mieux le sanctionner.
Depuis le 4 mai dernier, la situation juridique est insupportable pour de nombreuses victimes qui se voient privées de la possibilité d'agir, même si la Chancellerie a incité les parquets à requalifier les faits. C'est pourquoi vous vous êtes mobilisés en déposant sept propositions de loi et en constituant un groupe de travail, ce qui a beaucoup aidé le Gouvernement. Il fallait en effet agir très vite pour éviter que l'impunité ne perdure trop longtemps. Le délai d'instruction pour les infractions de harcèlement sexuel est en moyenne de 27 mois, si bien que le vide juridique actuel produira ses effets pendant encore longtemps. La décision du Conseil constitutionnel nous incite à sécuriser le plus possible la nouvelle infraction pour éviter qu'une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité ait le même effet dévastateur. C'est pour cette raison que le Gouvernement a souhaité déposer un projet de loi afin de bénéficier de l'expertise du Conseil d'Etat. Enfin, nous vous remercions d'accepter la procédure accélérée.
Nous avons également entretenu un dialogue constant avec les associations. Il a fallu lever un certain nombre d'ambiguïtés et nous sommes conscients qu'il faudra faire oeuvre de pédagogie à l'égard des parquets. M. Sapin, ministre du travail, et moi-même avons informé les partenaires sociaux de la teneur de ce texte que j'ai présenté la semaine dernière au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle.
Les sept propositions de loi sénatoriales nous ont aidés à approfondir notre réflexion dans divers domaines, comme la répétition, les éléments matériels, les circonstances aggravantes, la rétroactivité de la loi ou encore l'échelle des peines.
Tout d'abord, nous avons privilégié une approche globale en incluant la définition du harcèlement sexuel dans le champ du code pénal et du code du travail ; l'harmonisation des dispositions du statut général des fonctionnaires reviendra, j'en suis sûr, au cours du débat parlementaire. Ensuite, nous avons élargi la définition du harcèlement sexuel en nous inspirant des directives communautaires. Les peines ont été ajustées et les circonstances aggravantes ont été strictement définies.
Avec ce projet de loi, les victimes seront mieux protégées. Aucune situation ne sera en dehors du droit, notamment avec l'abandon de la notion de « faveurs sexuelles ». Des faits qui n'étaient pas réprimés sous l'empire de l'ancienne loi pourront désormais l'être, puisque seront pris en compte des faits qui « pourrissent » la vie quotidienne des femmes, pour reprendre le mot de Mme Tasca. Nous abordons aussi le sujet du chantage sexuel, c'est-à-dire le cas unique qui implique des avances et une discrimination.
La définition plus précise du délit de harcèlement sexuel devrait faciliter l'instruction des plaintes. Les termes qui ont été choisis seront bien compris des magistrats et ils seront explicités par la circulaire qui sera adressée aux parquets. Sont prévues des circonstances aggravantes dans une logique respectueuse de l'échelle des peines. Certaines associations - pas toutes - estiment que les peines sont trop légères mais la révision globale de l'échelle des peines ne pouvait être abordée à l'occasion de ce texte.
Le projet de loi prévoit aussi les cas de discriminations dont peuvent faire l'objet des victimes ou des témoins à la suite de harcèlement sexuel. Une disposition du code du travail punira ce type de comportements.
Au-delà de la répression, la prévention est indispensable : la conférence sociale des 9 et 10 juillet organisée par le Gouvernement avec les partenaires sociaux comportera un atelier sur l'égalité professionnelle et l'amélioration de la qualité de vie au travail, que je présiderai. La question de la prévention du harcèlement sexuel y sera bien sûr abordée. Les partenaires sociaux ont d'ailleurs signé un accord sur ce thème en mars 2010. Mme Lebranchu présidera un atelier relatif à la fonction publique et elle abordera cette question avec les organisations syndicales des fonctionnaires.
Ce texte s'accompagnera d'une campagne de sensibilisation sur les violences au travail : les victimes ne doivent plus hésiter à saisir les tribunaux. Les comportements sexistes doivent disparaître.