Le 10 mai, la Chancellerie a adressé aux parquets une dépêche les invitant à requalifier les plaintes pour harcèlement sexuel en violences volontaires, harcèlement moral ou tentative d'agression sexuelle. Un premier bilan montre que, dans bien des cas, l'extinction de l'action publique a été prononcée. La cour d'appel de Nîmes est par exemple saisie de douze procédures, quatre relaxes et huit condamnations : faute de texte, ces jugements devraient tomber. Le 7 juin, j'ai demandé aux parquets de dresser, au plus tard le 30 juin, un bilan des décisions prises sur le fondement de la dépêche du 10 mai. Ce vide juridique est frustrant. Si les faits sont requalifiés, nous n'aurons qu'à nous en réjouir mais, pour l'instant, nous constatons davantage de décisions prononçant l'extinction de l'action publique.
La question de la preuve est délicate car souvent le harcèlement a lieu à huis-clos. Pour faciliter la constitution de la preuve, nous avons étendu la définition de l'infraction afin que, même sans témoin direct, le ministère public puisse établir un faisceau d'indices. La victime n'est pas seule face à l'établissement de la preuve !
En ce qui concerne les procédures civiles, notamment celle devant les prud'hommes, la plus utilisée, le dispositif informatique actuel ne permet pas d'identifier le harcèlement sexuel. C'est un fait que je constate ; je vais faire en sorte que l'outil statistique de la Chancellerie soit amélioré.
Il revient aux politiques publiques de faciliter le dépôt de plainte. Des instructions seront données aux maisons d'accès au droit pour améliorer l'accueil des victimes.
Sur les circonstances aggravantes, nous avons retenu la minorité de 15 ans dans un esprit de parallélisme des formes, puisque c'est l'âge de la majorité sexuelle, avant lequel on considère qu'il ne peut y avoir de consentement valable. Les cas que vous évoquiez, ce sont des stagiaires de 16 à 18 ans, à propos desquels on peut retenir la circonstance aggravante d'abus d'autorité.
Nous avons attentivement examiné vos suggestions sur la vulnérabilité économique et sociale, mais nous nous sommes heurtés à la difficulté de définir un curseur. Quels éléments objectifs retenir ? Entre deux personnes, l'une peut être plus fragile avec un revenu plus élevé.
Le numéro vert ouvert par un médecin ? Il faut le saluer. De fait, un tel travail peut aussi être effectué par les collectivités locales. Mais l'action publique doit avoir une tout autre ampleur.
L'agression sexuelle est punie d'au moins cinq ans d'emprisonnement, plus en cas de circonstances aggravantes. Dans la circulaire de politique pénale, je veillerai à alerter les parquets sur la nécessité d'une bonne qualification : qu'un viol ou une agression sexuelle ne soit pas qualifié en harcèlement par exemple.
La non-rétroactivité est ici très douloureuse mais on ne peut la contourner que si la nouvelle loi est plus clémente que la précédente, ce qui n'est pas le cas ici puisque nous créons une nouvelle infraction. C'est bien sûr difficile à entendre pour les victimes.
Concernant la convention du Conseil européen, le précédent Gouvernement français avait émis des réserves ; nous allons les étudier et nous veillerons à être parmi les premiers à la ratifier.