Je vous remercie de m'accueillir pour vous présenter, en qualité de présidente et de rapporteure, les recommandations formulées par la délégation en réponse à votre saisine du 13 juin dernier, et adoptées à l'unanimité le 21 juin. Je salue Mme Demontès, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, vice-présidente de la délégation, qui a participé activement à nos travaux. Nos recommandations s'inscrivent dans le prolongement des auditions et des échanges de vues menés par le groupe de travail du Sénat. Certaines, notamment sur la future définition du délit de harcèlement sexuel, s'inspirent de solutions qu'il avait dégagées.
La délégation a toutefois considéré que, même si une meilleure définition légale du délit de harcèlement sexuel permettait de renforcer la réponse pénale, la lutte contre le harcèlement sexuel ne pouvait se limiter à son volet répressif. Nous avons donc aussi formulé une douzaine de recommandations en faveur d'une politique d'information et de prévention.
L'impact du harcèlement sexuel sur la victime a longtemps été sous-estimé, le phénomène étant peu étudié et sous-évalué. L'enquête nationale sur les violences faites aux femmes, qui date de 2000, quelques enquêtes ponctuelles comme celle menée en Seine-Saint-Denis en 2007 montrent pourtant que les violences sexuelles dans le monde du travail sont plus courantes qu'on ne l'imagine.
Les deux premières recommandations de la délégation sont donc de réaliser une nouvelle enquête sur les violences faites aux femmes en France et de créer un Observatoire national des violences envers les femmes ayant pour mission de réaliser des études, de constituer une plateforme de collaboration entre les différents acteurs et d'être le correspondant naturel des observatoires locaux.
Les comportements de harcèlement sexuel ne donnent lieu qu'à environ mille procédures nouvelles et à 70 à 80 condamnations pénales par an. En outre, le délit de harcèlement sexuel a tendance, en pratique, à permettre de « déqualifier » des atteintes sexuelles qui devraient relever d'autres incriminations plus graves ; d'où la troisième recommandation, veiller à ce que le nouveau délit de harcèlement sexuel ne soit plus utilisé pour sanctionner des agissements qui relèvent d'autres incriminations pénales plus graves, sous prétexte que l'on est dans un cadre professionnel.
Nous prônons une politique plus systématique de dépistage, de prévention, de protection des victimes. La délégation recommande que les professionnels de santé, et notamment les médecins du travail, soient formés à détecter les situations de harcèlement sexuel et à accompagner les victimes ; que les organisations syndicales et les délégués du personnel s'impliquent davantage ; que soit ouverte aux associations de défense des droits des femmes la possibilité d'ester en justice aux côtés des victimes et avec leur consentement dans les contentieux civils, sachant que les syndicats ne souhaitent pas conserver le « monopole » dont ils disposent actuellement en la matière ; que l'État et les collectivités territoriales soient responsables pour les faits de harcèlement sexuel commis dans leurs administrations ; corollaire de cette responsabilité, il faut former les personnels d'encadrement des trois fonctions publiques à détecter les situations de harcèlement sexuel et à y répondre.
Deux recommandations concernent l'enseignement supérieur, en réponse aux préoccupations du Collectif de lutte antisexiste contre le harcèlement sexuel, qui a attiré notre attention sur la faiblesse des recours à la disposition des étudiant(e)s et doctorant(e)s qui, étant considéré(e)s comme des « usagers du service public », ne bénéficient pas de la protection statutaire assurée aux agents publics. Il serait souhaitable que la future enquête sur les violences faites aux femmes comporte un volet sur les atteintes sexuelles dans l'enseignement supérieur. La délégation préconise en outre une réforme de la saisine et de la composition des sections disciplinaires des établissements d'enseignement supérieur et souhaite que, pour des faits d'une gravité manifeste, les sanctions puissent être assorties d'une interdiction d'enseigner.
Les ministères de tutelle doivent sensibiliser à la problématique du harcèlement sexuel dans le monde associatif, notamment dans le monde sportif.
Sur le plan législatif, la délégation apporte un soutien à un certain nombre de solutions rédactionnelles dégagées par le groupe de travail, aux réflexions duquel nous avons activement participé: une définition du délit de harcèlement sexuel faisant référence aux actes répétés, mais aussi aux situations où un seul acte grave, assimilable à une forme de « chantage sexuel », suffit à le constituer ; la délégation propose que ce second volet retienne comme éléments constitutifs les « menaces, intimidations, contraintes ». L'atteinte à la dignité doit constituer l'élément intentionnel principal du harcèlement sexuel, au côté de la recherche d'une relation sexuelle, qu'il faut conserver, car ce type de chantage reste une composante réelle et particulièrement odieuse du harcèlement sexuel.
La délégation recommande de retenir comme circonstances aggravantes l'abus d'autorité, la minorité de la victime ou son état de vulnérabilité physique, psychique, sociale ou économique, et le fait que des agissements soient commis à plusieurs personnes. Il faudra enfin harmoniser les définitions figurant dans les différents codes et textes de référence, sans oublier la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
Je vous remercie de l'attention que vous porterez à ces recommandations.
Les travaux du groupe de travail se sont déroulés dans un excellent climat, je m'en félicite. Il fallait se mobiliser rapidement pour que soit mis un terme à une situation qui est un véritable déni de justice pour bien des femmes. Je souhaite que nos travaux aboutissent rapidement à une définition du délit de harcèlement sexuel plus protectrice pour les victimes et plus claire pour les tribunaux.