Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 4 juillet 2012 à 15h00
Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Nous craignons que la baisse de l’emploi public, conjuguée à l’état désastreux de l’emploi privé, ne soit un handicap de taille pour amorcer une relance économique pourtant urgente, et même urgentissime.

Cette urgence économique et sociale nous oblige. Nous ne pouvons pas décevoir les attentes de nos concitoyens. La Conférence sociale va se tenir dans les prochains jours. Vous voulez tout mettre « sur la table » avec les partenaires sociaux. Vous ne pouvez pas les décevoir !

Vous demandez également des efforts aux collectivités territoriales. Or, depuis dix ans, elles ont largement pallié les carences de l’État par des interventions dans tous les domaines, sans lesquelles la souffrance et l’exclusion sociale seraient encore plus importantes. D’ailleurs, l’État est débiteur à l’égard de nombreux départements dont les dépenses sociales ont explosé, notamment avec le RMI, puis le RSA, dont le financement lui incombe.

Les collectivités ont pâti de la suppression de la taxe professionnelle, qui n’a pas été compensée par la contribution économique territoriale, il s’en faut, comme elles ont pâti du gel des dotations. Allez-vous maintenir cette situation ?

Avec Mme Lebranchu, vous avez fort justement confirmé l’abrogation du conseiller territorial, votée au Sénat sur notre initiative. Mais la réforme de 2010, à laquelle toute la gauche s’était opposée, demeure. Nombre d’élus de toutes sensibilités ont été meurtris par cette réforme. Aujourd’hui, il faut les respecter, comme il faut respecter les libertés locales, les ressources des collectivités et leurs missions de service public.

En ce qui nous concerne, nous voulons une intercommunalité de coopération, à l’inverse de l’intégration forcée ; nous voulons le respect des identités locales, le maintien de la compétence générale des départements et des régions, indispensable à l’autonomie locale.

C’est ce qui nous fait estimer que la loi de 2010 doit être abrogée.

J’ajoute que nous ne pourrons accepter des mesures qui ne garantiraient pas l’égalité des citoyens, comme de nouveaux transferts ayant pour seul objet de faire faire des économies à l’État ou donnant des pouvoirs réglementaires aux régions.

Vous annoncez, monsieur le Premier ministre, une réforme de la fiscalité dans la loi de finances pour 2013. Selon nous, il est évident que, pour répondre aux besoins sociaux, il faut augmenter les recettes.

Nous sommes favorables au retour d’une progressivité réelle de l’impôt. Nous voulons restaurer pleinement l’ISF et imposer les revenus du capital au même niveau que les salaires.

Nous voulons une remise en cause réelle des exonérations ou défiscalisations. Elles n’ont en aucun cas fait la preuve qu’elles favorisaient la création d’emplois.

Nous voulons une lutte déterminée contre l’évasion fiscale, dont la commission d’enquête créée sur notre initiative au Sénat va décrire les mécanismes et confirmer l’ampleur : environ 50 milliards d’euros par an !

Au cœur de toute la politique que vous allez mener se trouve l’Europe. Vous connaissez notre position. Nous aurons l’occasion de parler, demain, du Conseil européen des 28 et 29 juin.

Le Président de la République s’était engagé à renégocier le traité de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Aujourd’hui, il est assorti d’un volet « croissance », modeste, de 120 milliards d’euros. Mais le traité demeure. Or celui-ci prévoit des mécanismes de contrôle poussés des budgets nationaux – États, collectivités, administrations publiques, protection sociale.

Rien n’est prévu pour changer le fonctionnement de la BCE ni pour assurer le contrôle démocratique de cette dernière. Nous marchons sur la tête : la BCE prête aux banques, qui prêtent aux États à des taux d’autant plus élevés qu’ils sont en difficulté.

Les grandes questions de l’avenir de l’Europe restent posées : va-t-elle continuer à être mue par la finance, la concurrence et le dumping social, ou bien la France va-t-elle contribuer, sur la durée, avec une politique nouvelle, à une Europe de progrès pour les peuples ?

Le Président de la République veut faire ratifier le traité rapidement. Vous avez plusieurs fois évoqué les citoyens : nous voulons qu’ils soient consultés par référendum sur un traité qui met en cause la souveraineté nationale.

La démocratie, monsieur le Premier ministre, a aussi ses exigences sur le plan institutionnel.

Vous avez renouvelé votre engagement pour le droit de vote des étrangers aux élections locales, que la gauche a voté au Sénat. Nous en sommes évidemment satisfaits, même si le chemin semble encore long.

Vous avez annoncé une dose de proportionnelle et une limitation du cumul des mandats. Nous pensons qu’il nous faut aussi montrer de façon claire que nous voulons sortir du présidentialisme et donner plus de pouvoirs aux citoyens et aux salariés. Nous souhaitons que le débat institutionnel pose ces questions, tant notre démocratie représentative est à bout de souffle.

Monsieur le Premier ministre, vous avez obtenu un vote de confiance à l’Assemblée nationale. Les sénateurs de notre groupe, qui se sont réunis hier, approuvent le choix de l’abstention des députés du Front de gauche.

J’ai entendu votre ministre du travail, M. Michel Sapin, dire que le Front de gauche se mettait « en marge du changement ». Je pourrais citer Jean-Luc Godard : « C’est la marge qui tient la page. »

Mais je veux surtout réaffirmer que nous voulons vraiment le changement. Nous voulons que la justice sociale et le redressement économique s’engagent dès maintenant. Nous saurons soutenir toutes les mesures qui iront dans le bon sens, comme nous le faisons depuis le 25 septembre, en travaillant ici dans la majorité.

Nous ne manquerons pas de faire valoir l’urgence des attentes sociales, des réformes en profondeur nécessaires au redressement de notre pays, et l’exigence d’une Europe solidaire pour les peuples.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion