Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis 120 ans, le groupe que j’ai aujourd’hui l’honneur de présider tient une place particulière au sein de la Haute Assemblée : après avoir participé à la fondation de la République, il en a toujours défendu les valeurs essentielles, celles-là mêmes qu’a su en son temps si bien illustrer le radical Gaston Monnerville, symbole de la diversité et premier président de gauche du Sénat de la Ve République. Ces valeurs sont inhérentes à la République et encore plus essentielles aujourd’hui, dans les mutations sociétales auxquelles nous sommes chaque jour confrontés.
Notre groupe réunit des personnalités diverses autour des radicaux de gauche, du MRC, de figures socialistes et d’élus de la nouvelle opposition, dans le respect de la liberté d’expression et de vote de chacun, laquelle nous permet d’être soudés autour d’une vision humaniste et laïque de la société.
Monsieur le Premier ministre, une grande majorité de notre groupe soutiendra votre gouvernement, votera les lois de finances, les projets de loi de financement de la sécurité sociale et ce qui figure au cœur de votre programme.
Mais à vous qui placez votre action sous le signe de la vérité nous vous dirons la nôtre, sans rechercher les effets à usage médiatique, sans marchandage d’aucune sorte, et en vous expliquant loyalement, en amont, les points sur lesquels nous pourrions ne pas partager vos choix.
Une majorité aux ordres devient vite une future minorité, et le dernier quinquennat en a fourni une parfaite illustration. Ici même, le débat sur la réforme des collectivités territoriales fut, à cet égard, une caricature.
La situation de crise vous fait échapper au traditionnel état de grâce, mais c’est peut-être une chance, parce que le pays attend surtout l’état de raison, qui conjugue votre expérience personnelle, vos convictions propres et votre souci du respect de la diversité de la majorité.
Nous sortons d’un quinquennat qui mit beaucoup trop la rupture au cœur de sa pratique, aggravant de facto les conflits entre les citoyens, les corps intermédiaires, le public et le privé, les travailleurs et les chômeurs, entre les territoires, creusant ainsi un fossé entre la chose publique et les citoyens.
La Nation a un besoin impérieux d’être de nouveau apaisée, rassemblée, de restaurer le dialogue en son sein, de reprendre confiance en elle-même et en ceux qui la représentent. C’est possible : le Président de la République et votre gouvernement ont commencé à le faire. Le changement, c’est d’abord et avant tout cela.
Monsieur le Premier ministre, en venant devant la Haute Assemblée nous adresser un message que je qualifierai de « personnalisé », vous confortez le bicamérisme, pourtant souvent mal aimé des exécutifs de la Ve République, en même temps que le rôle constitutionnel du Sénat comme représentant des collectivités territoriales.
Nous ne pouvons voter la confiance puisque vous ne nous la demandez pas.