Ainsi que l’avaient prédit en 1970 les scientifiques du Club de Rome, nous vivons en ce début de XXIe siècle les prémices des crises de rareté, avec une nette augmentation du prix des matières premières et de l’énergie – nous le voyons tous les jours –, tandis que la croissance s’évanouit inexorablement.
À cela s’ajoutent les conséquences de la course folle d’un système productiviste fondé sur la rentabilité : accéléré par la publicité et l’obsolescence programmée des objets, le cycle de consommation s’emballe jusqu’à l’absurde, causant des pollutions diverses, provoquant des crises sanitaires, malmenant la biodiversité et déréglant le climat. Il n’est donc plus possible, sauf à ne jamais sortir de ce cercle infernal, de fonder un modèle économique et social sur le seul retour hypothétique de la croissance, en se bornant à considérer les questions écologiques comme un luxe ou un supplément d’âme.
Prenons l’exemple de l’industrie automobile, si dramatiquement mise à mal ces derniers temps ; je pense en particulier aux salariés de PSA, qu’Aline Archimbaud soutient en lien avec le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg. Face à la détresse de ces centaines de salariés, dont l’État se soucie fort légitimement, il serait tentant de relancer le secteur par quelque subvention, comme une nouvelle prime à la casse.
Nous tenons toutefois à rappeler que 60 % du parc automobile français fonctionne au diesel, lequel vient d’être classé par l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, comme un cancérogène certain. Sans même évoquer les drames humains liés à la maladie, le coût de la prise en charge médicale des affections de longue durée suffirait à remettre en question, d’un strict point de vue économique, la pertinence globale de ce choix industriel.
En outre, le maintien ou le développement du parc automobile engendreraient des besoins en pétrole supplémentaires, alors même que cette énergie est non seulement dévastatrice pour le climat, mais également dépourvue d’avenir, car fossile. Ces nouveaux besoins justifieront de nouveaux forages pétroliers, comme on l’a récemment vu en Guyane, avec un très grand risque pour la biodiversité.
La transition écologique consisterait à favoriser la reconversion partielle et progressive de l’industrie automobile avant que son déclin ne soit imposé par les contraintes extérieures. Ainsi, à Vénissieux, un équipementier automobile s’est reconverti avec succès dans l’assemblage de panneaux photovoltaïques. Des emplois seraient ainsi pérennisés tandis que la réduction du parc automobile améliorerait la situation sanitaire. Cela permettrait également de réduire les extractions de pétrole préjudiciables tant à la biodiversité qu’au climat et de favoriser l’évolution vers une société de l’après-pétrole.
On voit bien que même la question de l’emploi ne peut suffire à elle seule à appréhender les choix politiques qui s’offrent à nous : les dimensions écologique, économique et sociale sont inextricablement liées. C’est pourquoi les écologistes seraient particulièrement favorables, monsieur le Premier ministre, à ce que, sur le modèle de ce qui se passe au conseil économique, social et environnemental, les associations environnementales que vous avez conviées à une grande conférence en septembre puissent également être associées dès ce mois de juillet au sommet social.
Sur ce sujet majeur qu’est la transition écologique, nous avons, monsieur le Premier ministre, des cultures et des sensibilités différentes.