Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 4 juillet 2012 : 1ère réunion
Groupe de travail sur les incapacités industrielles souveraines — Examen du rapport d'information

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

Je partage les orientations du rapport qui nous conduira à quelques difficultés au moment des discussions budgétaires. Mais je suis prêt à faire le constat que « nous sommes vraiment à l'os » dans beaucoup de domaines.

La souveraineté et l'indépendance doivent être distinguées. La souveraineté est une notion de droit, elle est la « compétence de la compétence ». Elle ne peut se déléguer. Elle est la puissance originaire qui fonde les actes des gouvernements et des assemblées délibérantes. A côté de la souveraineté, il y a l'indépendance à laquelle on aspire et qui n'est jamais une réalité car on est toujours dépendant de beaucoup de choses. Elle relève de l'ordre contraint par la réalité concrète. Les deux notions sont donc très différentes. On peut déléguer des compétences, partager des compétences, mais cela suppose une volonté commune.

J'ai entendu ce qui a été exposé sur la défense européenne, elle suppose une analyse commune des menaces de conflits futurs. Cette analyse existe-t-elle ? Non. Pouvons-nous le faire pour le compte des autres ? Non. Nous ne pouvons la faire qu'ensemble. Cette réflexion n'a pas lieu.

Il y a la question des armes nucléaires qui renvoie à des questions mondiales : la montée en puissance des grandes nations d'Asie qui développent leurs arsenaux nucléaires, le niveau des arsenaux russes et américains qui disposent de 1 550 armes et que ces pays n'ont pas vraiment l'intention de l'abaisser en dessous de cette limite. La dissuasion a d'abord pour fonction de protéger notre territoire ou, le cas échéant, de nous tenir en dehors d'une guerre où nos intérêts ne sont pas être engagés. Cette formulation ancienne n'a pas perdu de son actualité. Il y a des menaces de proliférations en matière balistique et d'armes de destruction massive, l'évolution du monde arabe reste incertaine, il faut donc rester vigilant.

La théorie des trois cercles n'est pas mauvaise, il ne faut pas l'abandonner. La DGA joue un rôle directeur en matière industrielle, en même temps elle a contribué au maintien de l'industrie de défense comme pôle d'excellence, cette préoccupation étant liée à l'idée de l'indépendance nationale. On connaît le tropisme de l'état-major qui voudra toujours d'obtenir son matériel rapidement en l'achetant sur étagère. L'arbitrage est toujours politique, il a toujours été fait dans le sens de la préservation du premier cercle ou du deuxième autant que possible.

Mais « autant que possible » renvoie à la question de savoir à ce que les Allemands voudront faire avec nous dans le domaine des armements terrestres où ils excellent, mais également dans le domaine naval ; et puis il y a des coopérations aussi avec d'autres pays comme l'Italie ou La Grande-Bretagne. Mais la coopération avec l'Allemagne se pose car, curieusement, comme beaucoup de pays européens, elle a fait l'analyse, qui est maintenant dans le traité de Lisbonne. Tous ces pays développent leur défense dans le cadre de l'OTAN, et donc s'en remettent aux Américains. Il se développe une sorte d'insouciance et de légèreté. Qu'y pouvons-nous ? Si les Allemands ne perçoivent pas aujourd'hui les menaces, demain ils les percevront peut-être. Mais le danger serait alors qu'ils se rangent encore davantage sous le bouclier américain et que les Américains imposent le fameux « burden sharing » qui ne résoudra pas le problème de la défense mais accroîtra notre dépendance.

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