Je vous parlerai maintenant de la question du soutien.
Autant vous le dire tout de suite, l'optimisme qui prévaut pour ce qui est du respect du nouveau calendrier contractuel, n'est plus de mise concernant le soutien.
C'est une question compliquée et je vais faire de mon mieux pour en expliquer les tenants et les aboutissants. Mais avant que nous commencions, je voudrais vous rappeler trois principes en matière de soutien aéronautique.
1. Pour un euro dépensé à l'achat de l'équipement, il faut prévoir - c'est un ordre de grandeur - deux euros pour le soutien.
2. En matière de soutien, l'essentiel des coûts provient de l'entretien des moteurs - environ 60 % - sur un avion quadrimoteurs comme l'A400M et encore davantage si on prend en compte les pièces de rechange ;
3. Enfin, le cycle d'investissement des moteurs est très long - ce qui veut dire que les motoristes ne commencent à gagner de l'argent qu'au-delà de la quinzième année et qu'ils se récupèrent sur le soutien. Ce qui veut dire que s'ils ne vendaient que les moteurs, leur prix serait bien plus important.
Pour ce qui est plus particulièrement du soutien de l'A400M, c'est vraiment compliqué et je vous renvoie à notre rapport écrit. Je résumerai la situation en quatre points.
Premièrement, il y a eu un divorce entre les nations européennes qui n'ont pas réussi, à court terme, à se mettre d'accord pour contractualiser ensemble les services de soutien. Mais il y a encore un espoir...
Deuxièmement il y a eu un deuxième divorce entre l'avionneur, AMSL, et le consortium des motoristes EPI. La logique initiale du contrat était d'avoir un contrat unique entre les nations et AMSL. Cela n'a pas été possible et au final il y aura deux contrats, l'un pour les moteurs, l'autre pour la cellule.
Troisièmement, il résulte de cet état de fait qu'il y aura :
- un contrat provisoire de soutien d'une durée de dix-huit mois, portant à la fois sur la cellule et les moteurs ; seule la France est concernée ;
- deux contrats séparés pour le moyen terme : l'un pour les moteurs, l'autre pour les cellules, mais un service commun. Potentiellement, toutes les nations pourraient le signer, le moment venu.
C'est l'approche dite : « deux contrats/un service » qui prévoit deux contrats séparés ; l'un pour l'avionneur l'autre pour le consortium des motoristes et un commun, l'ensemble des participants ayant l'intention de fournir opérationnellement des services combinés.
En conclusion partielle, de cette partie, on peut admettre, comme c'est de règle dans l'aéronautique civile, que l'on n'ait pas réussi à mettre en place un soutien global pour la cellule et les moteurs.
En revanche, on ne peut se résoudre à ce que les nations arrivent en ordre dispersées pour le soutien pérenne et qu'aucun stock commun de pièces de rechanges ne soit en voie de constitution.
Avoir un stock européen de pièces de rechange - mutualisé - est une voie d'économies considérable pour les nations et il est de la plus haute importance que l'on arrive à trouver un accord commun. Il ne faut pas laisser tomber cet objectif.
Troisième volet : la préparation de l'armée de l'air.
Pour apprécier de façon objective la préparation de l'armée de l'air française à l'A400M, il ne semble pas possible de la dissocier du contexte dans lequel elle s'est déroulée. Ce contexte peut être qualifié de turbulent, puisque jusqu'en 2010, le fait que le programme aille à terminaison n'était pas assuré. Ensuite, l'armée de l'air a dû participer activement à trois engagements extérieurs : l'Afghanistan, sur toute la période, la Côte d'Ivoire, jusqu'au 1er semestre 2011 et bien sûr l'opération Harmattan, de mars à novembre 2011. Enfin, les cinq dernières années ont été marquées, par une profonde restructuration des armées, avec la création des bases de défense, une réduction drastique du nombre des personnels, la mise en oeuvre de nouveaux systèmes d'information (une trentaine concernant l'armée de l'air) qui impactent profondément les processus internes de l'armée de l'air.
Dans ces conditions, sans oublier évidemment la contrainte budgétaire, la préparation de l'armée de l'air, peut être qualifiée de remarquable aussi bien en ce qui concerne les infrastructures que les formations de ses équipages et de ses mécaniciens.
Concernant tout d'abord les infrastructures. Les travaux d'adaptation ont été lancés dès 2008 et s'échelonneront jusqu'en 2018. L'opération comprend des constructions neuves et des travaux d'adaptation des infrastructures. Avec la rénovation et le renforcement de ses aires aéronautiques pour l'A400M, la base aérienne d'Orléans sera amenée à accueillir des gros porteurs MRTT, les futurs ravitailleurs en vol de l'armée de l'air. Orléans constituera ainsi un des trois hubs du transport aérien militaire avec les bases aériennes d'Istres et d'Evreux.
On voit que tout a été prévu pour une transition harmonieuse des flottes de transport sur la base d'Orléans.
Venons en maintenant aux formations. La formation des personnels joue un rôle central, qui peut vite devenir critique, quant à l'introduction de nouveaux appareils dans les forces. Elle est au coeur des préoccupations des armées. L'armée de l'air a choisi de construire les effectifs du premier escadron de transport A 400M et de la première unité de maintenance chargée du NSO (niveau de soutien opérationnel) des avions français l'ESTA (Escadron de Soutien Technique Aéronautique), positionné sur la base aérienne d'Orléans.
Pour les personnels naviguant la formation théorique et sur simulateurs se fera à Séville puis sera complétée ultérieurement à Orléans pour les phases tactiques.
Pour les personnels non naviguant, essentiellement les techniciens, les formations se feront au départ à Séville, puis en Allemagne à Wunstdorf.
Le diagramme à l'écran donne une idée précise de la montée en puissance de la préparation de l'armée de l'air, après la livraison des premiers avions.
Pour autant que nous puissions en juger, la préparation de l'armée de l'air est donc satisfaisante, même si nous avons le sentiment qu'elle s'est faite un peu à l'économie, compte tenu des restrictions budgétaires, notamment en ce qui concerne les commandes de pièces de rechange.
Il ne faudrait pas que des restrictions budgétaires supplémentaires remettent en cause cette montée en puissance.