Nous venons poser les premiers jalons de la politique économique de redressement dans la justice qui a été voulue par le président de la République et présentée ici par le Premier ministre, avec plusieurs textes : la loi de règlement, qui offre un panorama plutôt sombre de la situation financière du pays, le débat d'orientation des finances publiques, qui permettra au Parlement d'apporter son soutien aux inflexions nécessaires, et la loi de finances rectificative, qui constitue le première étape d'un plan d'ajustement des comptes publics et de justice fiscale.
Pour nous, il est fondamental que le Parlement soit associé à ce chantier crucial conjuguant dans la durée crédibilité et changement. Jérôme Cahuzac qui a été président de la commission des finances de l'Assemblée nationale connaît et respecte la qualité de vos travaux. J'étais moi-même simple membre de la commission des finances de l'Assemblée. Nous partageons l'envie d'aller à votre rencontre et avons la même considération pour tous. Nous veillerons à ce que chacun remplisse sa tâche : culture du dialogue et de l'écoute pour le Gouvernement, pleine association aux débats pour les parlementaires.
Quelques mots sur la situation économique. La croissance est atone, le Premier ministre a rectifié la prévision à 0,3 % en 2012, et 1,2 % en 2013. Le chômage touche 10 % de la population active, en particulier les jeunes et les seniors. La France souffre d'un triple déficit de croissance et de compétitivité, de crédibilité et de confiance. Croissance et compétitivité sont tributaires de nos partenaires européens, mais souffrent aussi de la faible consommation des ménages et de la perte sans précédent de compétitivité - nos parts de marché à l'exportation ont reculé de 20 % en cinq ans.
Déficit de crédibilité, ensuite. Nos comptes publics dérivent depuis dix ans ; la dette publique a augmenté de 800 milliards depuis 2002 et le déficit public pour 2011 s'élève à 100 milliards d'euros. L'audit de la Cour des comptes montre que la crise n'explique pas tout : l'Allemagne a su approcher l'équilibre en 2011.
Déficit de confiance enfin. L'instabilité, les permanentes remises en question ont sapé la confiance tandis que l'injustice des décisions fiscales a entamé la cohésion sociale.
Les Français ont choisi de changer de cap, et c'est cette stratégie d'action résolue pour la croissance et la solidarité, et de redressement des comptes dans la justice que je me propose de vous présenter.
L'Europe, chère à mon coeur et à l'action que j'entends mener. Le sommet des 28 et 29 juin dernier a marqué trois avancées : le paquet de croissance, s'établit à 120 milliards d'euros, soit 1% du PIB de l'Union, l'équivalent du budget de celle-ci, la supervision financière intégrée qui permettra à l'Espagne et à l'Italie de trouver des réponses aux déséquilibres qu'elles subissent, et, enfin, une feuille de route pour une intégration solidaire qui ira dans le sens d'une intégration politique, d'un partage de souveraineté. L'Union n'est pas seulement synonyme de restriction ; un changement de méthode donne des résultats.
Au niveau national, des mesures d'urgence ont d'ores et déjà été prises en faveur de la justice, de l'emploi et du pouvoir d'achat : décret sur les retraites, hausse de l'allocation de rentrée scolaire, coup de pouce au SMIC, contrats aidés supplémentaires. Toutes sont intégralement financées par des hausses de recettes ou des économies supplémentaires.
La loi de finances rectificative traduira dans la fiscalité la priorité donnée à l'emploi et à l'investissement, en favorisant l'investissement des bénéfices plutôt que la distribution de dividendes, ou en supprimant, sauf pour les plus petites entreprises, les avantages consentis pour les heures supplémentaires qui n'ont pas contribué à améliorer la situation de l'emploi. D'autres mesures seront prises dans le projet de loi de finances pour 2013.
Dès le deuxième semestre 2012 nous lancerons des réformes ambitieuses. Pour le financement de l'économie tout d'abord, avec la création d'une banque publique d'investissement tournée vers les PME et PMI et régionalisée, la réforme bancaire et la réforme de l'épargne réglementée et de la fiscalité de l'épargne. Nous voulons également une fiscalité plus lisible, plus efficace et plus juste, plus favorable aussi à l'esprit d'entreprise.
Nous voulons un volet compétitivité très solide. Le soutien à l'activité n'est pas contradictoire avec le redressement des comptes publics, qui constitue une nécessité absolue, tant pour respecter nos engagements européens, que pour rester souverains face aux marchés financiers, restaurer la confiance et dégager des marges de manoeuvre pour la croissance. Le Premier ministre l'a dit, le poids de la dette est devenu écrasant. L'Etat verse chaque année 50 milliards d'euros à ses créanciers et le service de la dette est le premier poste de la Nation : c'est évidemment insupportable.
Sur ce point, la Cour des comptes est claire : si les déficits ont bien été réduits à 5,5 % en 2011, le niveau spontané dérivait vers 5 % en 2012 : il fallait donc une correction budgétaire. Parce que le retour de la croissance et de la confiance est graduel, nous avons choisi la sincérité, ce qui suppose de clarifier nos objectifs : un déficit public contenu à 4,5 % du PIB en 2012, pour atteindre 3 % en 2013, et l'équilibre d'ici 2017. Ces engagements ont été rappelés par le Gouvernement, en particulier auprès de nos partenaires européens. Nous les tiendrons.
Nous ne cachons pas les efforts significatifs à accomplir, nous voulons qu'ils soient justement répartis : entre les recettes et les dépenses, dans le temps, entre le secteur privé et le secteur public, au sein de celui-ci, entre les ménages et les entreprises. Nous assumons parfaitement le fait que les ménages les plus aisés et les grandes entreprises seront mis à contribution davantage.
La loi de finances rectificative est le premier élément de cette politique de redressement. Il s'agit d'ajuster la loi de finances 2012 afin de sécuriser le déficit public à 4,5 % du PIB sans casser une croissance vacillante. Calée au plus juste, elle rapportera 7,2 milliards de recettes supplémentaires tout en revenant sur les mesures les plus injustes et les plus inefficaces du mandat précédent (TVA dite sociale, allègement de l'ISF et des droits de succession), tout en préservant les entreprises et les ménages les plus touchés par la crise.
Notre méthode se décline en trois principes : sincérité des comptes et des prévisions de croissance, condition sine qua non de la remise en ordre des finances publiques ; concertation avec les partenaires sociaux et les collectivités territoriales, c'est le sens de la grande conférence sociale qui se tiendra le 10 juillet prochain ; pragmatisme : nous arrêtons de supprimer des emplois dans la fonction publique et visons la stabilisation des effectifs. En clair, la RGPP, c'est terminé !
On nous accuse de troubles bipolaires : tantôt trop laxistes, tantôt trop austères. Notre défi est pourtant simple : il s'agit de redresser les comptes en soutenant la croissance. Nous avons pris la mesure du défi et avons la conviction que le sérieux de notre démarche est cohérent avec notre ambition.