Je voudrais tout d'abord saluer le travail de la Cour des comptes - étant donné la complexité du sujet, élaborer un tel document dans des délais aussi courts représentait un véritable défi ! - et remercier Mme Pappalardo de la qualité des échanges que la CRE a pu avoir avec elle.
Je reviendrai tout de suite sur les scénarios d'évolution de la CSPE d'ici à 2020.
Comme l'a très bien souligné Mme Pappalardo dans le rapport, il s'agit d'exercices différents. En particulier, la CRE et la DGEC considèrent que les objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements seront atteints en 2020 pour les énergies renouvelables : il s'agit donc d'une hypothèse dimensionnante. En ce qui concerne par exemple l'éolien offshore, l'objectif est de 6 000 mégawatts de puissance installée en 2020 - l'exercice est par conséquent complètement théorique. Pour le photovoltaïque, on estime en revanche que les objectifs seront un peu dépassés.
S'il s'agit d'un exercice théorique, il me semble néanmoins qu'il permet d'aboutir à un ordre de grandeur de ce que seront les coûts, en particulier liés aux énergies renouvelables, quand les objectifs seront atteints, vraisemblablement au-delà de 2020.
Le scénario de la CRE rejoint assez largement celui de la DGEC, les hypothèses dimensionnantes relatives aux énergies renouvelables et aux prix de marché étant les mêmes.
En tout cas, on peut dire que le coût des énergies renouvelables, qui est déjà assez élevé aujourd'hui, le sera encore beaucoup plus en 2020. Pour vous donner un ordre de grandeur, nous estimons que la production d'énergies renouvelables soutenue en 2020 représentera 15 % de la production totale française - ce chiffre s'appuie sur les scénarios établis par RTE - mais le coût global des énergies renouvelables dans la part énergie de la facture dépassera 30 %, soit plus du double de la part de ces énergies dans la production.
Comme je l'ai dit, ces scénarios sont basés sur l'hypothèse dimensionnante que constitue l'évolution du prix de marché. La CRE est partie du prix de marché en mars 2012 - 54 euros par mégawattheure - et lui a appliqué une augmentation de 3 % par an, c'est-à-dire le taux d'inflation plus un point.
En matière de prévisions, je pense que nous nous trompons tous. J'en veux pour preuve que, lorsque la CRE a, il y a quelques années, alerté le ministre sur les dérives potentielles du coût des énergies renouvelables, il nous a été rétorqué que, de toute façon, le prix de marché atteindrait bientôt 120 euros par mégawattheure et qu'il n'y aurait donc plus de surcoût des énergies renouvelables. Or le prix de marché, qui était de 62 euros par mégawattheure en 2011 et de 54 euros par mégawattheure en mars dernier, est aujourd'hui de 49 euros par mégawattheure...
Je n'en tire aucune conclusion pour l'avenir, mais il faut savoir que, toutes choses égales par ailleurs, plus il y a d'énergies renouvelables, notamment en Allemagne et en France, plus le prix de marché baisse. En effet, les énergies renouvelables sont des énergies fatales : par définition, le dernier moyen appelé est moins cher. C'est vraisemblablement ce qu'on observe aujourd'hui ; on atteint même des prix de marché négatifs.
Les différents scénarios ne sont pas comparables, mais ils indiquent tous que le coût des énergies renouvelables va beaucoup augmenter.
Je ferai une petite observation : à la page 65 du rapport de la Cour des comptes, il est écrit que, si l'on intègre les coûts liés à la bagasse-charbon, les scénarios d'EDF et de la CRE sont parfaitement comparables. Or je pense que ces scénarios ne sont pas comparables du tout, même si leur périmètre est identique, dès lors que l'on intègre les coûts liés à la bagasse-charbon.
En ce qui concerne les propositions de la Cour des comptes, la CRE ne se prononcera pas - ce n'est pas son rôle - sur le financement des énergies renouvelables par d'autres énergies. Néanmoins, il faut bien avoir à l'esprit que la CSPE ne concerne pas uniquement les énergies renouvelables. Par conséquent, si l'on finance les énergies renouvelables par d'autres énergies, il faudra peut-être financer la péréquation tarifaire par ce qui restera de la CSPE et les dispositions sociales par d'autres moyens. En tout cas, une telle mesure ne serait pas simple à mettre en oeuvre.
Par ailleurs, les conclusions du rapport mentionnent le mécanisme mis en place aux Pays-Bas dans le but notamment d'inciter les producteurs d'énergies renouvelables à vendre leur production sur le marché au moment où c'est le plus intéressant pour le système, c'est-à-dire lorsque les prix de marché sont les plus élevés. Je suis quelque peu dubitative, car la plupart des énergies renouvelables ne sont pas contrôlables aujourd'hui ; je pense en particulier au photovoltaïque, à l'éolien, et même à la biomasse : s'il existe un débouché chaleur, on ne va pas demander à l'industrie de ne pas produire à tel moment sous prétexte que les prix de marché ne sont pas assez élevés... Par conséquent, même si on met en place un dispositif basé sur le prix de marché et donnant une prime par rapport à ce dernier, il sera très difficile de contrôler la production afin de la vendre au meilleur moment.
Il est enfin question, dans les conclusions du rapport, des différentes exonérations en vigueur et des éventuelles modifications qu'on pourrait leur apporter. La CRE n'a évidemment pas à prendre position sur ces exonérations qui, pour certaines d'entre elles, permettent aux sociétés industrielles de ne pas payer plus de 0,5 % de leur valeur ajoutée. J'estime toutefois qu'il faut être conscient de l'impact des exonérations sur ces sociétés, avec lesquelles je suis en contact tous les jours via mes équipes.