Intervention de Jean-Pierre Jouyet

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 10 juillet 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Pierre Jouyet candidat proposé par M. Le Président de la république en tant que directeur général de la caisse des dépôts et consignations

Jean-Pierre Jouyet, candidat proposé aux fonctions de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations :

Je n'ai pas vérifié ce point d'histoire. La Caisse des dépôts est un établissement public à vocation économique et financière : une expérience dans ce domaine, notamment celle qui fut la mienne ces trois dernières années, ne constitue sans doute pas un handicap. Aux pouvoirs publics et au Parlement de définir, s'ils l'estiment nécessaire, un autre profil.

Le directeur général n'a pas à être présent dans toutes les sociétés où la Caisse des dépôts a des participations. Cela ne signifie pas qu'il s'interdit de descendre dans la soute. Son rôle consiste à donner des orientations, consulter des reportings sur les participations, rapporter ces informations aux comités d'investissement dépendant de la commission de surveillance, laquelle doit ensuite se prononcer. Sur les participations les plus importantes, le directeur général aura son mot à dire. L'on m'a fait savoir qu'il y aurait des possibilités d'incompatibilité avec certaines sociétés cotées. Je ne peux exposer la Caisse à des recours. Le dossier Séché Environnement a par exemple été traité par l'AMF en 2009. Cette prudence est peut-être exagérée, mais je ne veux pas faire courir le moindre risque à l'institution. Je suivrai donc l'ensemble des participations selon les modalités que je vous ai décrites, en rendant compte à la commission de surveillance. La représentation sera assurée par des membres de la Caisse des dépôts. Je garderai la présidence du conseil d'administration du FSI, car ne pas exercer cette fonction cruciale affaiblirait l'institution.

Je respecterai donc l'état de droit qui est le suivant : lorsqu'un dossier aura été traité par l'AMF depuis plus de trois ans, je reprendrai les fonctions d'administrateur auprès des sociétés où la Caisse est majoritaire. L'Inspection générale des finances a saisi la commission de déontologie à ce sujet : je tirerai les conséquences de l'entretien que j'ai eu avec cette dernière, dans le respect de mes prérogatives de directeur général.

Pour répondre à Richard Yung, il y a beaucoup d'échanges et d'expériences avec d'autres pays européens, l'Allemagne et l'Italie notamment. Bien sûr, dans la conjoncture actuelle, la Caisse doit se mobiliser sur le développement économique et social du pays, mais des partages des risques intelligents autorisent des coopérations et certains projets dépassent nos frontières : nous sommes associés aux projets de relance européens. Il me semble aussi important que la Caisse des dépôts, qui est un fonds souverain français, ait des échanges d'expérience avec d'autres fonds souverains. Peut-être devons-nous réviser notre politique internationale, dans le sens d'un moindre éparpillement de nos actions, mais l'exemple allemand prouve qu'on peut être fortement engagé dans le développement économique et social du pays tout en préservant la dimension européenne, et sans faire perdre d'argent aux déposants.

En ce qui concerne l'innovation, nous agissons sur les sociétés non cotées et sur les brevets. Nous sommes également acteur du grand emprunt. L'entretien que j'ai eu récemment avec Louis Gallois a révélé un besoin de coordination entre nos services et ceux du commissariat général à l'investissement. Les différents départements de la Caisse des dépôts doivent être rationalisés, pour que les fonds soient davantage mobilisés au service de l'innovation.

De mon expérience à l'AMF, je retiendrai trois choses : la très bonne gestion des conflits d'intérêts, la culture de la transparence, le rôle des actionnaires. Je compte bien faire profiter la Caisse des dépôts de ces acquis.

Jean Arthuis me pose une excellente question sur la gestion des participations de l'État et de la Caisse. Comme vous, et à titre personnel, je m'interroge sur l'opportunité de rassembler l'APE et le FSI. J'estime que si l'on veut rationaliser, il ne doit pas y avoir de sujet tabou. Il revient aux pouvoirs publics, y compris la direction générale de Trésor, de réfléchir à la manière dont il faut gérer les participations.

Concernant les rémunérations, je suis favorable à la plus grande transparence ; pour les sociétés cotées, les informations sont disponibles puisqu'elles sont publiées dans les rapports d'information.

Sur les honoraires des banques d'affaires, vous avez fait preuve d'une grande mansuétude ! Pour ma part j'ai demandé un état des honoraires réglés par la Caisse, y compris pour les consultants et les cabinets d'avocats.

S'agissant de Séché Environnement, je pourrai très prochainement faire plaisir à Philippe Dominati en allant dans les soutes, le délai de trois ans arrivant bientôt à échéance.

Les prêts de longue durée sont un sujet de réflexion sur lequel je n'ai pas encore tous les éléments. Nos contraintes sont fortes, mais nous examinerons le sujet avec la commission de surveillance.

Les courriels que vous avez reçus, comme le Tout-Paris politique, ont été envoyés par un monsieur que je ne connais pas. Il a également adressé des libelles à l'AMF pour lui reprocher de ne pas s'être saisie du dossier du rachat de Quick Burger par la Caisse des dépôts au groupe Frère en 2006, date à laquelle je n'étais ni à la Caisse des dépôts ni à l'AMF. D'après lui, l'AMF s'en serait abstenue en raison d'une contrepartie donnée au groupe Frère lors de la fusion GDF Suez. A l'époque chef du service de l'Inspection générale des finances, je n'ai pas à juger du visa de l'AMF. Les justices française et belge sont saisies, nous verrons si elles se déclarent compétentes. A ce jour, le procureur ne m'a rien demandé, de même qu'à l'AMF. Il a également été dit que ma carrière était européenne. Je l'ai commencée sous l'égide de Jacques Delors et c'est ainsi que j'ai rencontré en 1992 le représentant du groupe Frère à Bruxelles. Ma famille n'a rien à voir là-dedans, que cela soit clair.

Pour le grand emprunt, nous devons jouer un rôle d'opérateur plus coordonné. La sanctuarisation des fonds au Trésor est à vérifier, notamment pour les universités.

Philippe Dallier a entièrement raison sur la politique de la ville. Compte tenu des risques de désintégration sociale, la Caisse des dépôts doit rester très investie, et même davantage. Certes, elle ne peut pas tout faire, et il est utile de distinguer ce qui est stratégique du reste. De même, nous devons rechercher la meilleure articulation possible entre les différents niveaux, national, régional, local. Les directeurs régionaux ont un rôle important à jouer dans la mise en oeuvre d'une politique qui doit être définie horizontalement, de façon cohérente, et sans éparpillement des moyens.

Je le confirme à Marie-France Beaufils, nous attendons la décision européenne au sujet de la future agence, et sommes prêts à mobiliser des concours. Du côté de l'État, 3 milliards d'euros sont encore à débloquer.

Pour répondre à François Fortassin, je ne demande qu'à remonter le moral des collectivités territoriales, et à renforcer leurs liens avec la Caisse des dépôts. Les directeurs régionaux se rapprocheront des élus locaux. C'est notre vocation d'ailleurs, dans la limite de la protection de l'épargne et des épargnants. En tout état de cause, je retire de cette audition l'idée que le financement des collectivités territoriales doit être une priorité, et j'y serai très vigilant.

Pour répondre à Jean Arthuis, je m'attacherai à la transparence des oeuvres sociales de la Caisse.

Dernier point, la régionalisation. Evitons le systématisme. Avec la mise en place de la Banque publique d'investissement et le nouveau rôle d'Oséo, on devrait pouvoir se tourner davantage vers les régions tout en maintenant un pilotage central.

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