Intervention de Aymeri de Montesquiou

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 10 juillet 2012 : 1ère réunion
Conclusions du rapport de la mission commune d'information sur le fonctionnement la méthodologie et la crédibilité des agences de notation — Communication

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou, rapporteur de la mission commune d'information :

Le duopole constitué au niveau mondial par Standard and Poor's et Moody's est à l'origine d'une importante rente de situation. Il permet à ces entreprises d'imposer aux émetteurs des tarifs très élevés si on les rapporte au nombre d'heures de travail accomplies par les analystes pour chaque notation. La facturation est extrêmement libre et les marges affichent des niveaux importants, autour de 40 %. Les autorités nationales et européennes de la concurrence doivent par conséquent vérifier que les trois grandes agences n'abusent pas de leur position dominante.

Les barrières à l'entrée du marché de la notation sont difficiles à franchir. Il en est une qui résulte des obligations réglementaires renforcées imposées aux agences. Obtenir une accréditation par l'autorité de marché américaine, la SEC, n'est pas une simple formalité L'agence chinoise Dagong n'a par exemple pas été accréditée.

Or, 64 % des investisseurs interrogés par le Sénat demandent plus de concurrence, 25 % déclarent même en souhaiter « beaucoup plus ». La stratégie des autorités européennes consistant à privilégier la concurrence par de « petites agences » n'est pas convaincante. Dans l'Union européenne, des « petites agences » ont été enregistrées en nombre.

Comme il y a peu de chances que les émetteurs fassent spontanément appel à ces « petites agences », la Commission européenne a proposé, dans le cadre du projet de règlement en cours de discussion à Bruxelles, une mesure complémentaire qui serait de nature à leur faciliter l'accès au marché : la rotation. Mais cette suggestion nous laisse dubitative : le marché de la notation n'est pas celui du commissariat aux comptes, où cette pratique, ainsi que le co-commissariat, ont été introduits avec succès. L'Europe bute aujourd'hui en matière de notation sur le mythe d'un renforcement mécanique de la concurrence.

En revanche, certaines banques centrales, à commencer par la Banque de France, mais aussi les banques centrales d'Allemagne, d'Autriche et d'Espagne, ont développé leur propre cotation des entreprises. La Banque de France est devenue une « agence de notation », qui note environ 260 000 entreprises françaises. La Banque centrale européenne note les États. Malgré les réticences des banques centrales, la publication de ces notes devrait être envisagée, notamment si, à terme, des PME, n'ayant pas nécessairement les moyens de payer leur notation, devaient aller sur le marché obligataire.

On pourrait également concevoir que les banques commerciales, qui évaluent elles-aussi le risque de crédit de leurs clients, en utilisant des modèles internes, communiquent leurs notes à un organisme public européen, qui serait chargé de les agréger afin de publier un indicateur synthétique.

Sur un plan théorique, dès lors que l'on considère que la notation a les caractéristiques d'un « bien public », une agence publique européenne est pleinement justifiée. Moody's a aussi soutenu la validité de cette idée. L'agence publique devrait être financée par une taxe affectée et opter pour une forme juridique appropriée, par exemple une fondation, afin d'éviter le conflit d'intérêts puisqu'elle serait amenée à noter notamment des États ayant suscité sa naissance, et la finançant, d'une manière ou d'une autre.

Dans le contexte actuel, la piste tendant à la création d'une agence publique est toutefois la moins susceptible de prospérer. Il s'agit essentiellement d'une question de contexte : la crise de la dette souveraine créerait un soupçon fort des marchés par rapport à une initiative des États tendant à se doter de ce qui serait considéré comme « leur agence », et donc comme « la voix des États ». L'agence devrait de surcroît obtenir l'accréditation de la SEC américaine si l'on souhaite qu'elle joue un rôle mondial, ce qui semble loin d'être acquis.

En revanche, comme elle le fait fréquemment dans le domaine de la recherche et du développement, la Commission européenne pourrait lancer un appel à projets pour encourager une ou plusieurs initiatives privées tendant à la création d'une nouvelle agence européenne de taille mondiale.

A l'issue de l'appel à projet, le ou les opérateurs privés européens retenus pourraient bénéficier du label de la Commission et d'un financement pour le développement d'innovations en matière de méthodologie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion