Je vais essayer de répondre de mon mieux à toutes vos questions, en rappelant que je ne suis pas médecin et que certaines d'entre elles dépassent mes compétences.
L'INCa est, en effet, une structure moyenne de cent soixante-dix salariés environ et vous me demandiez, madame la présidente, s'il était en capacité de porter une grande partie du plan cancer. Il faut savoir qu'un bon nombre des mesures engagées s'effectuent en partenariat, dans lesquelles l'institut a un rôle d'impulsion et de mobilisation des acteurs autour d'un projet, en lien avec les structures de recherche ou de soins. Au sein de l'INCa, une équipe est dédiée au suivi du plan cancer pour couvrir le panorama de sa réalisation et l'ensemble de nos équipes travaillent soit sur l'information, soit sur les appels à projets de recherche, soit sur les référentiels d'autorisation... Cependant, pour maintenir ce cap, il ne faudrait pas que nos effectifs diminuent trop brutalement.
Pour ce qui concerne le soutien aux médecins traitants, l'INCa intervient de plusieurs manières. Un portail informatique diffuse les informations et les données les plus à jour sur son site internet en matière de pathologies et de modalités de prise en charge. L'INCa travaille également sur des protocoles de dépistage et de prise en charge pour les affections de longue durée, donc du cancer, en lien avec la Haute Autorité de santé (HAS) : l'institut a d'ailleurs veillé à ce que ces protocoles soient mis à disposition du médecin traitant avec les logiciels informatiques de prescription. Plus les médecins traitants seront informés, et notamment sur les cancers les plus rares, plus l'accès aux soins sera facilité.
Sur la question de la démocratie sanitaire, pour ces pathologies très lourdes, je suis très attachée à la place qui doit être réservée au patient à l'hôpital. Dans le cadre du rapport sur l'hôpital auquel je collabore actuellement pour l'Igas, c'est un aspect qui nous tient à coeur afin qu'il connaisse les modalités de sa prise en charge et qu'il puisse choisir sa structure de soins.
Il est exact qu'actuellement, les établissements de santé rendent insuffisamment compte de la qualité de leurs prestations et il nous semble que ceci est un sujet sur lequel il faut mettre l'accent. Le rapport de l'Igas insistera sur la nécessité d'un pilotage de la qualité tout autant que de la performance et sur la diffusion d'indicateurs de qualité auprès des usagers. Chaque hôpital doit rendre compte de ses performances en matière de prise en charge, de respect des droits et de l'intimité des patients, de délais... Sur le réseau d'acteurs dans lequel s'inscrit l'INCa, outre la pluralité d'intervenants nationaux - ministères de la santé et de la recherche, agences sanitaires avec lesquelles l'INCa a des conventions cadre de coopération pour éviter la superposition d'actions -, il est en contact avec plusieurs structures européennes. J'attire votre attention sur le fait que le comité scientifique de l'INCa est international et comprend des personnalités européennes mais aussi américaines. Par ailleurs, l'INCa est associé à un certain nombre de projets européens ou américains de recherche, notamment sur les processus d'accès à la recherche précoce. Evidemment, l'agence européenne du médicament est très présente sur les thérapeutiques innovantes contre le cancer en lien avec l'agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) avec laquelle l'INCa travaille.
En ce qui concerne les délais d'accès aux soins, c'est un enjeu majeur de préoccupations. Il faut veiller à avoir un bon maillage territorial de structures de qualité : cela a été l'objet de la démarche d'autorisation des structures, pour qu'elles soient labellisées en fonction des critères de qualité rigoureux. Des financements - 30 millions d'euros - ont été alloués aux établissements plus en difficulté sur le plan de la qualité. L'INCa s'est beaucoup investi sur les plateformes de tests de génétique moléculaire. Les thérapeutiques du cancer sont de plus en plus ciblées en fonction de l'analyse génétique faite sur la tumeur elle-même. Cela suppose que les tests diagnostic soient accessibles à tout le monde. L'INCa a mis en place un réseau de vingt-huit plateformes qu'il finance pour que tous les patients y aient accès. Ce dispositif novateur et original est envié par d'autres pays.
Sur l'implantation de l'INCa, je crains, madame Procaccia, qu'il ne soit pas prévu de changement : l'institut est resté dans les mêmes locaux mais en resserrant ses surfaces pour réduire ses dépenses de fonctionnement.
Sur les coûts élevés des traitements du cancer, il est exact que ces médicaments sont onéreux et figurent en général sur la liste en sus des hôpitaux. Un des objectifs, pour la maîtrise des coûts, est de veiller à actualiser le plus rapidement possible cette liste en sus pour que les traitements n'y restent pas trop longtemps lorsque ce n'est plus légitime. Des négociations doivent aussi être menées avec le comité économique des produits de santé (Ceps) sur le prix initial des médicaments. Un rapport récent de l'Igas appelle à la vigilance sur ce point.
Sur les actions de prévention, c'est effectivement le point de départ car nous savons que beaucoup de déterminants du cancer sont liés aux comportements et à l'environnement : le tabac est la première cause de pathologie cancéreuse, l'alcool aussi, et il est important de mener des campagnes d'information sur les risques. En outre, les connaissances doivent progresser pour ce qui concerne les enjeux environnementaux, naturels ou professionnels, et c'est l'un des aspects sur lesquels l'INCa est engagé, notamment en matière de vérification des produits chimiques et des mesures de précaution à prendre à leur contact dans le cadre du système européen Reach.
Le plan national santé-environnement a également attiré l'attention sur les anciens sites industriels souterrains à recenser, pour éviter que des écoles ou des hôpitaux soient construits sur ces lieux, et à dépolluer.
Les ARS ont mis en place des schémas régionaux de prévention. L'objectif pour l'INCa est de leur donner l'état de la connaissance pour que les agences puissent en tirer des actions concrètes sur le terrain.
Pour ce qui est, à nouveau, de l'accès aux soins, s'il n'est pas possible d'avoir toujours une offre de pointe de proximité, l'important est de disposer d'un réseau, d'une structure pyramidale où le patient est pris en charge à un premier niveau, par des professionnels qui s'appuient sur les niveaux les plus techniques, puis de pouvoir suivre un parcours où l'on accède à des soins plus pointus si nécessaire.
Sur la démocratie sanitaire, il existe plusieurs manières de mettre le patient en situation d'être un des acteurs de sa prise en charge et d'être protégé. J'évoquais tout à l'heure la consultation d'annonce : on lui a donné un cadre pour qu'elle ne soit plus jamais effectuée dans un couloir, à la va-vite. L'évaluation de ce cadre est en cours avec la Ligue contre le cancer qui, comme l'Arc, est membre du conseil d'administration de l'INCa. Leurs préoccupations sont aussi celles de l'institut.
Par ailleurs, le patient doit pouvoir s'informer sur des sites de référence sérieux et fiables. La démarche de l'INCa, grâce à la plateforme Cancer info et à son portail sur les données du cancer, est de donner aux professionnels de santé comme aux malades l'ensemble de l'information à jour.
Dans le cadre des droits du malade, nous sommes également très attachés à l'accès à l'assurance et au crédit. Des conventions existent mais elles ne sont pas forcément bien respectées et mises en oeuvre. Là encore, un processus d'évaluation est en cours.
Pour les droits sociaux, l'INCa est aussi attentif, en liaison avec la Ligue et l'Arc, aux difficultés du retour au travail, du retour au domicile avec les aides nécessaires à la vie courante. Nous considérons clairement que ces questions relèvent de l'institut.
Vous l'avez rappelé, le cancer est un fléau qui touche toutes les familles. L'obsession de l'INCa et de sa présidente, qui est une chercheuse, c'est que les thérapies innovantes soient disponibles dans les meilleurs délais, et notamment via les essais cliniques précoces. Une démarche très volontariste, de mise en place de centres de recherches précoces, est conduite pour faciliter cet accès, en incluant le plus grand nombre possible de patients dans les essais cliniques. Depuis 2008, ce nombre a plus que doublé, c'est un vrai progrès.
Il est exact que les populations les plus démunies ont moins accès que les autres aux soins. Des études ont montré que les populations rurales, les populations des quartiers rencontrent plus de difficultés, ne serait-ce que pour le dépistage. Pour le cancer du sein, par exemple, le dépistage plafonne à 53 % et l'on n'arrive pas encore à améliorer ce taux. Des opérations sont pourtant conduites en milieu rural, avec la MSA, ou à destination des populations étrangères, pour améliorer cette situation. Nous cherchons à mieux cibler les populations les plus à l'écart des opérations du dépistage pour pouvoir améliorer l'efficacité de notre action.
Je reviens sur la nécessité de définir des indicateurs de qualité pour les établissements de soins, sur les processus comme sur les résultats, en taux de mortalité éventuellement. Ils existent en Angleterre ou en Allemagne ; la France est restée plus hésitante, peut-être par crainte de brusquer les professionnels de santé ou d'avoir des indicateurs insuffisamment robustes. Le rapport que prépare l'Igas insistera sur ce point.
Sur notre travail avec les ARS, les points de connexion sont très nombreux : sur le dépistage, d'abord, puisque ce sont les agences qui pilotent les campagnes ; ce sont elles qui délivrent les autorisations pour lesquelles nous leur avons donné des référentiels ; ce sont elles qui conduisent les politiques de prévention. Le secrétariat général du ministère et la direction générale de la santé coordonnent l'articulation entre le niveau national et les ARS. En lien avec ce comité de pilotage des ARS, l'INCa souhaite définir un certain nombre de points de rencontre et d'échanges avec les agences, afin de leur communiquer des données régionalisées, des référentiels de prise en charge, des référentiels d'autorisation et d'avoir des correspondants cancer dans les ARS. Il n'y a pas de risque de doublon ou de superposition des rôles : l'INCa est une structure nationale de références sanitaires et scientifiques mais ce sont les ARS qui veillent à leur application.
La guérison d'un cancer est en général annoncée à l'issue d'un délai de cinq ans. Elle est très variable selon les cancers : on guérit souvent d'un cancer du sein désormais ; le cancer du poumon ou du foie reste très meurtrier.
En ce qui concerne le nombre de plans, la question est délicate car, sans trop les multiplier, il faut aussi identifier des actions vigoureuses. Il me semble que s'agissant de la première pathologie mortelle en France, l'existence d'un plan se justifie pleinement. Le plan cancer a été très ambitieux, très structurant : il a apporté 1,9 milliard de financement, mis en oeuvre à hauteur de la moitié environ puisqu'on est à mi-parcours de son déroulement.
Enfin, sur le rôle de l'INCa dans la sécurité des soins, j'évoquerai les accidents de radiothérapie déplorés à Epinal ou à Toulouse pour illustrer le fait que les équipements ou les prises en charge ne sont pas toujours aussi à la pointe que nécessaire. La sécurité passe par les référentiels de qualité qui fondent les autorisations, mais aussi par un certain nombre d'opérations de contrôle menées par les ARS et par des exigences en matière de radiothérapie : on a constaté en France un manque de radiophysiciens pour paramétrer les équipements. Un effort a été engagé pour augmenter les effectifs mais se pose, ici aussi, la question de la démographie médicale, pour les radiothérapeutes comme pour les oncologues.
Sur la chirurgie reconstructive, je ne connais pas la réponse côté INCa ; côté Igas, nous insistons sur la question des dépassements d'honoraires et je crois que le Gouvernement souhaite maîtriser ces pratiques.