Mme Gillot a abordé beaucoup de sujets.
J'ai en effet nommé des femmes à des postes à responsabilité, même si la composition de mon cabinet ne respecte pas tout à fait la parité ! Le ministère compte deux grandes directions, qui devront d'ailleurs travailler davantage de concert. Si le directeur général de la recherche et de l'innovation, le DGRI, a souhaité poursuivre avec nous, le directeur général de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle, le DGSIP, appelé à d'autres fonctions, a été remplacé par Mme Simone Bonnafous, dont la nomination a été actée ce matin même en conseil des ministres. Normalienne, présidente de l'université de Paris-Créteil, spécialisée en sémiologie et dans l'étude du discours politique, elle s'est engagée dans la réussite des étudiants et dans la formation des enseignants. Outre une directrice des affaires juridiques et une directrice des ressources humaines, j'ai nommé Mme Françoise Barré-Sinoussi à la présidence du comité de pilotage des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche.
La refondation de la formation des enseignants est le premier sujet que nous avons abordé avec Vincent Peillon, en installant un groupe de travail commun. La priorité donnée à la jeunesse a conduit à créer des postes dans le primaire, car l'échec scolaire se dessine très tôt, dès le cours préparatoire. C'est dire si la formation des enseignants est essentielle. Or la réforme de la mastérisation a supprimé l'apprentissage de la transmission des connaissances. Le savoir être face à une classe, ce n'est pas qu'affaire de vocation : cela s'apprend ! Il faut réparer cette erreur. Les futurs enseignants bénéficieront notamment de stages pratiques encadrés par des enseignants expérimentés. Quand on est devant une classe difficile, dans des quartiers prioritaires ou en zone très rurale, il faut gagner la confiance des parents. Comment le faire si l'on n'est pas suivi par un tuteur ? Résultat de cette mauvaise approche, on manque aujourd'hui de candidats aux postes d'enseignant. Se retrouver en situation de fragilité devant les élèves peut atteindre en profondeur, voire démolir : ceux qui ont enseigné le savent. Il faut rétablir la confiance, la formation adaptée. Tout se fera progressivement, en liaison avec les enseignants, en rétablissant l'innovation pédagogique qu'on avait un peu abandonnée, en relançant les sciences de l'éducation, bien plus développées chez nos voisins !
J'ai insisté auprès du Medef et de la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises) pour que le diplôme de doctorat soit mieux reconnu. Nous travaillons à une reconnaissance des docteurs dans la haute fonction publique administrative. Être docteur, ce n'est pas qu'un supplément d'âme : c'est le produit d'un travail acharné, d'une volonté personnelle. Nous voulons décloisonner, en douceur, le recrutement et favoriser la transversalité. A l'État de donner l'exemple. Ce n'est pas simple, mais la volonté est là.
Oui, la supercherie sur le financement des bourses entame nos marges de manoeuvre, alors que le contexte budgétaire est déjà contraint. Pas moins de 23 universités sont déficitaires sur deux exercices de suite. Il n'est pas question de les mettre sous tutelle rectorale, mais de les accompagner, d'assurer la conduite du changement qui a fait défaut. L'autonomie, c'est des moyens financiers, mais aussi managériaux. Les services du ministère chargés de l'habilitation des diplômes peuvent être redéployés vers l'accompagnement et l'anticipation des difficultés de gestion dans les universités. Plus que de communication, l'on a besoin d'un travail de terrain durable.
Dix-huit universités ont un fond de roulement insuffisant. C'est inquiétant, surtout quand on rapproche ce nombre de celui des établissements en déficit - les deux ensembles se chevauchent pour partie. Nous allons mettre en place un système d'alerte et d'anticipation, afin d'éviter les impayés à la fin de l'année.
S'agissant du GVT, ce sont environ 50 millions d'euros qui sont impactés par le manque d'anticipation et par les impasses budgétaires. Il faut revenir à une gestion sincère.
Sur la simplification, nous avons mis en place un groupe de travail chargé de trouver des solutions pragmatiques, différentes selon les territoires. Les instituts de recherche technologique, les IRT, n'ont pas été appuyés sur des organismes de recherche publique existants, or ceux-ci peuvent parfaitement soigner la recherche fondamentale tout en opérant des transferts technologiques... tout en préservant les intérêts de la recherche publique. Il faut agir de manière équilibrée. L'IRT qui fonctionne le mieux déroge à la règle : il s'appuie sur le Commissariat à l'énergie atomique (CEA). D'autres, qui dépendent de fondations ou d'organismes créés ad hoc, ne fonctionnent toujours pas, et ne sont pas conformes à la réglementation européenne.
Tout se fera dans le calme, dans le respect du travail déjà réalisé, pour ne pas bloquer les projets déjà engagés. Les chercheurs ne s'y retrouvent plus : à passer sans cesse d'une structure à l'autre, ils perdent un temps précieux. Les représentants des salariés, pas davantage. Point commun de ces structures : les collectivités territoriales, qui participent pourtant à leur financement, ne participent jamais à leur gouvernance. J'en ai parlé à Louis Gallois, le nouveau commissaire général à l'investissement. Nous convenons que cela doit être changé.
Le modèle SYMPA porte assez mal son nom. Il doit être modifié. Nous y prendrons notre part dans les mois qui viennent.
Les conditions de vie des étudiants se détériorent : 20 % d'entre eux n'ont pas de mutuelle. Ils ont de moins en moins recours aux soins ophtalmologiques, dentaires, gynécologiques. L'accord passé entre les mutuelles étudiantes ne suffit pas. La santé est une priorité à l'égard des jeunes, non seulement les étudiants, mais aussi les apprentis. C'est fondamental pour l'état sanitaire futur de la population. La prévention est essentielle.
Le logement est un objectif important. Les services de la ministre Cécile Duflot sont déjà au travail, avec les miens, pour réhabiliter et construire des logements sociaux. L'attractivité et la crédibilité des universités auprès des familles et des étudiants sont ici en jeu, ainsi que la réussite. Nos connaissons l'ampleur de l'échec en première année et ne voulons pas d'un système à deux vitesses. Il faut décloisonner et encourager la multidisciplinarité en premier cycle, pour ne pas spécialiser trop les étudiants.
Avec les services de Vincent Peillon, nous allons mettre en place le plan désigné de façon technocratique « - 3 + 3 », soit les trois années de lycée et les trois années de licence, avec un vrai service d'accompagnement, prévu par la LRU, qui n'a pas été mis en place.
Campus France ne nous satisfait pas totalement quant à sa gouvernance et à son orientation.
Par ailleurs, la mobilité est une idée-clé. Les jeunes qui n'ont pas eu l'occasion de voyager doivent être accompagnés. L'apprentissage d'autres cultures, d'autres langues, est indispensable à la carrière des chercheurs, dans le public comme dans le privé.
Je suis extrêmement sensible au rayonnement de la recherche, cher à M. Plancade. Nous devons rassurer les chercheurs qui se vouent à la recherche fondamentale, en particulier en sciences humaines et sociales. Les humanités ne sont pas un supplément d'âme mais des disciplines possédant leur logique, leurs spécificités. Sachons les considérer pour ce qu'elles sont et les introduire partout où elles ne sont pas encore implantées. Votre présidente y contribue.
Nous nous interrogeons sur Universcience. La mutualisation n'est pas inutile, mais nous voulons rendre les réseaux plus efficaces et toutes les initiatives ne peuvent venir de Paris. Celles des territoires, qui ont leur écosystème propre, sont essentielles.