Huit questions sont aujourd'hui sur la table du nouveau ministre, dont 3 nous semblent être de fausses pistes.
1. Tout d'abord, faut-il diminuer le nombre de bases de défense ?
La Cour des Comptes a jeté l'année dernière un « pavé dans la mare » qui résonne encore à l'oreille du ministère de la défense, en jugeant qu'on aurait dû faire 20 grosses bases de défense, soit trois fois moins !
Il est vrai qu'aujourd'hui, les bases de défense ne constituent pas de grosses bases très denses « à l'américaine », regroupant de nombreuses unités. Ce sont plutôt des circonscriptions territoriales de soutien, organisées en antennes (parfois jusqu'à 7 antennes) sur les principaux sites de leur périmètre. D'ailleurs, la moyenne de 4 200 soutenus cache en fait de grandes disparités : une dizaine de bases n'atteint pas 1 800 personnes ; plus de 30 bases sont en dessous du seuil, jugé « critique » pour permettre les mutualisations, des 5 000.
Le format actuel résulte d'un compromis entre efficience et soutenabilité de la réforme. Il faut bien reconnaître qu'il ne permet sans doute pas de tirer tous les bénéfices possibles du concept d'embasement. Nous avons vu à Toulon une efficacité et un professionnalisme dans le soutien que seule permet l'assiette de la base (23 000 personnes). Le ratio gérant-géré y est de 7,5 %, contre 8 à 9 % sur les autres bases.
Toutefois, nous jugeons que le format proposé par la Cour des comptes est irréaliste en l'état, et que le bilan coût-avantage d'une nouvelle réduction du nombre de bases de défense, serait, à ce stade, défavorable. De deux choses l'une :
- soit on maintien le plan de stationnement des forces sur le territoire, et dans ce cas, la « réduction » du nombre de bases se traduira par la transformation de bases en antennes, qui ne produira que très peu d'économies (quelques postes tout au plus) ;
- soit on envisage une nouvelle vague de restructurations d'unités, mais ce serait créer un nouveau traumatisme territorial, avec un coût collectif pour les collectivités territoriales, pour l'État et pour le budget de la défense.
Surtout, cette réflexion doit être menée dans le cadre des nouveaux contrats opérationnels, qui seront fixés par le futur livre blanc, et qui définiront le format global des forces armées. En l'état, une décision cantonnée aux seules bases de défense nous semble totalement prématurée.
2. Deuxième faux débat : Faut-il étendre l'autorité des commandants de base de défense ?
Le commandant de base de défense, qui ne commande qu'une partie des soutiens, n'est que « l'intégrateur » de l'autre partie et se trouve placé dans une position assez complexe, tout en bas d'un organigramme très touffu qui ressemble à des tuyaux d'orgue.
Constatant la confusion actuelle, certains préconisent donc d'étendre son autorité à l'ensemble des soutiens.
Nous ne souscrivons pas à cette analyse. D'abord, aucun commandant de base rencontré ne nous a dit que ce serait la solution de tous ses problèmes que de devenir le chef de l'informatique, des infrastructures, des essences ou du service médical....
Ensuite, cela remettrait en cause la réorganisation verticale, par métiers, de chaque chaine du ministère, qui a sa logique et qui produit ses effets.
En revanche, nous préconisons l'élargissement du périmètre budgétaire confié au commandant de base aux crédits de l'ensemble des soutiens sur sa base, car il est aujourd'hui dans un carcan financier tellement rigide qu'il est condamné à gérer les inéluctables. Un élargissement du périmètre de ses crédits lui permettrait d'optimiser l'emploi des fonds en fonction de priorités locales : peut être que sur certaines bases il vaut mieux renouveler les ordinateurs, sur d'autres repeindre un bâtiment... à chacun de voir.
3. Troisième fausse piste : faut-il externaliser le soutien ?
L'étendue limitée des externalisations, 3 % du budget de la défense, contraste avec leur fort enjeu « émotionnel » : elles sont devenues un vrai « chiffon rouge » social. Or on n'a jamais fait aussi peu d'externalisations que depuis qu'on en parle tant, c'est-à-dire depuis 2008 !
Après une approche assez volontariste, la méthodologie du ministère de la défense s'est peu à peu affinée, autour de 4 critères : la préservation des compétences du coeur de métier, l'intérêt des personnels, la préservation du tissu de PME et l'intérêt économique. Le processus est désormais totalement maîtrisé de bout en bout par le ministre. La démarche s'accompagne systématiquement d'une étude très approfondie sur « la rationalisation de la régie », c'est-à-dire sur les facultés à obtenir les mêmes résultats économiques en réformant une activité qu'on garderait au sein du ministère.
Notre conviction est qu'il ne faudra pas attendre de miracles de l'externalisation en matière de soutien.
Refusant tout dogmatisme, nous préconisons une approche résolument pragmatique : nous osons dire que parfois elle est utile, parfois non, cela dépend des cas :
- l'expérimentation d'un contrat « multi-service » pour le soutien, sur la base de Creil semble, après 6 mois, de gestion assez lourde ; elle ne devra sans doute pas être généralisée ;
- dans certains cas l'externalisation a pu s'avérer positive (exemple : les véhicules de la gamme commerciale, avec une baisse des coûts de 20%, un rajeunissement du parc et une baisse du bilan carbone) ;
- dans d'autres cas elle ne l'est pas (exemple : la bureautique où le projet a été abandonné) ;
- dans d'autres cas enfin, son intérêt n'est qu'indirect : la perspective d'externalisation a pour effet d'inciter à la modernisation de la régie.
Trois décisions sont attendues d'ici l'automne, en matière d'habillement, de restauration, et d'infrastructures. Nous estimons qu'elles devront être prises sans dogme ni tabou, en fonction des effets produits au regard des 4 critères actuels. Notre intuition est qu'il n'est pas exclu que les études et les expérimentations sur la rationalisation de la régie, qui sont très sérieusement menées, ne démontrent des effets économiques équivalents à ceux de l'externalisation.