Nous avons identifié les 5 leviers qui doivent, d'après nous, permettre de consolider et d'approfondir la réforme.
1. Faut-il supprimer les 7 états-majors de soutien défense ?
Nous répondons : oui, sans doute.
Le maintien d'échelons intermédiaires du soutien apparait paradoxal, dans un contexte d'amaigrissement systématique de tous les niveaux régionaux du ministère de la défense.
Nous pensons que cette création découle des désordres de la phase de transition, dont le calendrier a été précipité, et de la difficulté pour l'échelon central de l'état-major, le CPCS, lui-même en phase de montée en puissance, à y faire face. Leur nécessité devra être remise en question fin 2012. C'était d'ailleurs le schéma initialement prévu, avant qu'ils ne soient finalement pérennisés : nous souhaitons maintenir la pression et faire une réévaluation fin 2012.
Ne jouant pas de rôle « hiérarchique » sur les bases, dans une organisation dite en « dérivation », les états-majors de soutien ont trois attributions, dont deux pourraient être transférées à l'État-major (la synthèse et les expertises rares, comme la législation sur les installations classées et l'environnement). Leur troisième attribution, la coordination zonale, à l'origine de toute l'ambigüité de leur positionnement, comporte un risque réel de sur-administration.
2. Deuxième vraie question : Faut-il redéfinir le « socle » budgétaire des bases de défense ?
Indéniablement oui !
Dans toutes les bases de défense visitées, nous avons observé l'étranglement financier des commandants de base, sous l'effet de trois contraintes : une enveloppe sous dotée (d'environ 25 %), des dépenses incompressibles (chauffage, carburant...), une exécution 2012 obérée par les reports de dépenses de 2011, c'est-à-dire un phénomène de « cavalerie » budgétaire...
Naturellement, alors que nous sommes les rapporteurs du programme 178, ce problème n'avait pas été porté à notre connaissance lors des auditions budgétaires de fin d'année....
Au total, nous chiffrons à 130 millions d'euros, soit environ un quart de l'enveloppe annuelle, l'« impasse » budgétaire pour les bases de défense en 2012. Ce chiffre impose d'agir d'urgence. Concrètement, d'ici septembre, il n'y a plus de crédits pour le soutien en bases de défense. La saison de chauffage n'est pas assurée. Les « économies forcées » que cette situation génère ne sont pas toujours rationnelles et inutile de dire que cela désespère les personnels. Nous poserons la question tout à l'heure au ministre.
3. Troisième vrai levier, il faut simplifier les procédures.
C'est un immense chantier qui est encore très inabouti.
Dans le rapport nous donnons trois exemples précis, dont celui des ressources humaines, pour lesquelles la mutualisation des processus de gestion administrative est très peu avancée. 66 « macro-processus » communs ont été identifiés, mais on en est encore au tout début pour leur harmonisation !
Je citerai ici brièvement la question des zonages d'intervention. Les situations rocambolesques abondent : un personnel en poste à Carcassonne relèvera de la plate-forme achats finances de Toulon, de Bordeaux pour sa reconversion mais aura son action sociale gérée à Lyon.... En cause la réorganisation « en silos » des différents niveaux intermédiaires du ministère, chacun suivant sa logique propre, sans harmonisation des mailles géographiques, et sans considération des besoins de leurs « clients » que sont les bases. Cela impose aux bases de défense une véritable cacophonie d'intervenants. Cette complexité inutile est démotivante pour les personnels et coûteuse pour l'administration. Les zonages doivent être rapidement harmonisés.
4. Quatrième priorité : il faut faire sauter le « verrou » des systèmes d'information.
Sans harmonisation préalable des procédures et sans systèmes d'informations adaptés, la réforme ne peut produire son plein effet mutualisateur. Or, à de rares exceptions près, les outils manquent. L'hétérogénéité et le cloisonnement des applications sont le véritable talon d'Achille de la réforme. Dans les ressources humaines, il y a 5 systèmes distincts, dont certains refaits en 2008, qui ne se parlent pas... il faut 45 jours pour compter les effectifs du ministère, là où il faudrait 45 secondes avec un système unifié... en matière financière ou de logistique, c'est un véritable « zoo » d'applications, qui bloque toute avancée. La rationalisation avance trop lentement, il faudrait « changer de braquet », car dans l'intervalle ce sont les personnels qui jonglent avec le cloisonnement des systèmes et les rationalisations qui ne peuvent pas se faire.
5. Dernier levier, celui de l'augmentation de la proportion de civils dans le soutien.
Nous sommes d'avis que la « civilianisation » du soutien, proposée par le livre blanc de 2008, devra être poursuivie. Pour les seuls métiers du soutien, nous sommes aujourd'hui à 42 % de personnels civils, on devrait aller jusqu'à 46 % d'ici 2 ans, sachant qu'on ne pourra pas non plus aller trop loin, en raison des nécessités opérationnelles, car seuls les militaires sont projetables.
Toutefois, dans notre rapport, nous rejetons les approches un peu trop rigides, qui calculent des quotas par établissement ou remplacent mécaniquement tous les militaires par des civils. Il faut tenir compte de l'histoire, des situations locales et faire attention aux arguments qui auraient pour effet d'opposer les catégories les unes aux autres.
Il nous parait indispensable de concilier les impératifs de gestion de carrière de tous les personnels, civils comme militaires : tracer des progressions de carrières et « flécher » des postes à responsabilité sur des civils, oui, mais aussi, respecter les besoins de souplesse, de projection et de « respiration » en deuxième partie de carrière, qui conduisent à militariser certains postes.