Intervention de Odette Herviaux

Réunion du 12 juillet 2012 à 9h30
Débat sur la politique commune de la pêche

Photo de Odette HerviauxOdette Herviaux :

Vous avez pu remarquer, messieurs les ministres, que la Bretagne, ou plutôt, pour être encore plus précis, le Morbihan, était très bien représenté ce matin, puisque les trois sénateurs élus dans ce département prendront la parole.

Je profite de cette intervention pour vous dire combien je suis heureuse de vous voir assis sur ce banc et vous féliciter de vive voix, puisque c’est la première fois que nous nous rencontrons. Je me réjouis d'ailleurs que cette rencontre intervienne à l’occasion d’un débat sur la politique commune de la pêche.

Je partage les analyses dont vous ont fait part les différents rapporteurs, et je ne reviendrai donc pas sur tous les points qu’ils ont soulevés : je me contenterai d’insister sur certains d’entre eux. J’ajoute que, si je n’aborde pas moi non plus les questions ultramarines, mon collègue Serge Larcher peut témoigner que j’y suis très attentive.

Je concentrerai mon propos sur deux points : d'une part, la nécessaire cohérence entre les différentes politiques européennes et, d'autre part, l’article 349.

Un certain nombre de propositions concrètes de la future politique commune des pêches méritent, en dépit de leur caractère réaliste, d’être adaptées aux exigences d’un véritable développement durable ; vous l’avez souligné vous-même, monsieur le ministre. Je pense en premier lieu au fameux rendement maximal durable, le RMD : si l’on ne peut que souscrire à cette approche, dont on parle depuis bien longtemps sans pour autant qu’elle ait été mise en œuvre, qui peut accepter qu’on l’envisage de manière abrupte, sans tenir compte d’une meilleure connaissance des ressources, du coût social et de la réalité économique ?

De nombreux chercheurs et économistes, dont un prix Nobel d’économie en 2009, ont montré que, partout dans le monde et à toutes les époques, la gestion des pêcheries avait été plus efficace lorsqu’elle était réalisée par les communautés de pêcheurs elles-mêmes. Il était absurde de fixer la date butoir du rendement maximal durable à 2015 pour l’ensemble des pêcheries et des espèces : si certains stocks surexploités exigeront peut-être des décennies pour se reconstituer, d’autres stocks sont encore mal évalués. Surtout, il existe une variabilité naturelle importante et des interactions parfois très complexes entre les diverses espèces d’un écosystème. Je prendrai un exemple que j’ai moi-même observé sur le terrain : nos pêcheurs de thon blanc constatent depuis quelque temps une diminution de leur stock mais trouvent en revanche du thon rouge en abondance ; ils ne peuvent toutefois pas pêcher ces derniers, en l’absence de quotas. Cependant, ces thons rouges, présents en grande quantité dans des zones inhabituelles, consomment la même chose que les thons blancs, réduisant d’autant les ressources alimentaires de ces derniers et contribuant ainsi à leur disparition.

Il y a donc bien d’autres facteurs que la pêche qui influent sur la mortalité des poissons : certes des erreurs peuvent être commises par des scientifiques ou des gestionnaires de pêche, mais peut-on condamner une activité à cause de pratiques anciennes qui ont, sinon partout disparu, du moins favorablement évolué ? Il faut tenir compte également de facteurs importants comme les pollutions marines et terrestres et le changement climatique, sans parler de l’inégalité de traitement des pêcheries au niveau mondial ; je pense tout particulièrement à l’hypocrisie de certaines réglementations, comme celle de la pêche à la baleine, ou encore aux pratiques de certains pays bien connus…

J’en viens à mon deuxième point : la question des rejets. Fixer un pourcentage trop faible, et d’une manière uniforme, c’est à mon avis l’erreur la plus grave pour l’avenir de notre pêche nationale ; c’est aussi la décision la plus contestable socialement, économiquement et même écologiquement, pour tous les types de pêche. En effet, non seulement la fixation d’un tel pourcentage risque de réduire à néant tous les efforts faits pour la sélectivité des engins, mais en outre elle est incompatible avec l’amélioration de la sécurité de nos marins, certains navires n’étant pas prévus pour ramener toute la pêche ; vous l’avez d'ailleurs souligné, monsieur le ministre.

Par exemple, ces captures accessoires non souhaitées représentent pour nos chalutiers, qui ont agrandi depuis longtemps leurs maillages pour être plus sélectifs, 25 % au plus des captures totales et non 40 %, comme certains se plaisent à le répéter ; par ailleurs, 90 % de leurs prises accessoires concernent une seule espèce, le mulet noir, dont les scientifiques considèrent qu’elle demeure abondante et qui est très difficile à valoriser à cause de la teneur en eau de sa chair.

Je ne vois pas ce qu’il y aurait de durable à favoriser une filière minotière qui est loin d’avoir fait ses preuves environnementales dans d’autres pays, alors que nos différents systèmes de pêche sont parmi les plus encadrés et ont déjà contribué à créer des partenariats efficaces avec les scientifiques. C’est ce qui a permis au Conseil international pour l’exploration de la mer, le CIEM, de recommander pour 2013 et 2014 des niveaux de captures de certaines espèces, comme le grenadier de roche, la lingue bleue et le sabre noir, supérieurs aux quotas autorisés en 2011 et 2012.

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