Intervention de Michel Vergoz

Réunion du 12 juillet 2012 à 9h30
Débat sur la politique commune de la pêche

Photo de Michel VergozMichel Vergoz :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je salue le travail accompli par la délégation sénatoriale à l’outre-mer, sous l’autorité de son président Serge Larcher et de ses co-rapporteurs, Maurice Antiste et M. Charles Revet, au travers des nombreuses et riches auditions qu’ils ont conduites sur la politique commune de la pêche.

À la lumière de ces échanges, nos interlocuteurs nous ont souvent fait part des nombreuses inadéquations entre les mesures prises par la Communauté européenne, à partir de situations hexagonales spécifiques, et leur application sans discernement dans les DOM, régions ultrapériphériques de l’Europe à statut pourtant particulier.

Je prendrai trois exemples.

Que l’on réduise la flotte de pêche en Europe continentale par suite d’une surcapacité, et nous voilà, dans les RUP, condamnés à la même sentence, alors que la pression sur nos stocks de poissons est loin d’être identique et que nos flottilles locales sont naissantes.

Il est tout aussi difficile d’admettre que des bateaux battant pavillon européen obtiennent des droits de pêche dans nos zones sans que le développement local de nos territoires en retire un juste retour – j’allais dire un juste profit. Je pense là notamment au groupe Intermarché et à son unité de transformation en mer, dans l’océan Indien. Je pense aussi à ces unités qui pratiquent la pêche thonière tropicale et qui débarquent leurs prises aux Seychelles ou à Maurice, où une usine de traitement du poisson a été construite, à deux pas de la Réunion, pourtant région ultrapériphérique de l’Europe. Il existe même une entreprise, la Sapmer, pourtant basée à la Réunion, cotée en bourse, qui débarque ses captures à Maurice !

Si l’on ne peut certes voir là de la provocation, on ne peut s’empêcher de penser que cela révèle tout de même un certain mépris à l’égard de nos populations, qui souffrent d’un affaiblissement de leur cohésion sociale. À la Réunion, le taux de chômage est supérieur à 30 %, et à 60 % chez les jeunes. Des frustrations légitimes peuvent naître de telles situations.

Deuxième exemple : la modernisation des bateaux n’est plus à l’ordre du jour au niveau de l’Europe et le non-renouvellement des aides européennes est décidé pour les RUP, même pour l’achat de simples moteurs destinés à de modestes embarcations utilisées pour la seule petite pêche côtière. De quoi alimenter encore une considérable frustration !

Enfin, troisième exemple, que les DCP dérivants ne soient plus, à juste titre, subventionnés par l’Europe, et voilà nos « DCP maison », nos DCP ancrés, frappés de la même sanction depuis 2008, alors qu’ils n’ont rien à voir avec les premiers cités. Encore des sources d’immense frustration !

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, alors que le traité de Rome fut signé en 1957, il a fallu attendre 1978 pour que la Cour de justice européenne indique, dans l’arrêt Hansen, que « les DOM font partie intégrante de la République française et que l’ensemble du droit s’y applique ».

Un pas décisif sera fait en 1997, soit vingt ans plus tard, au travers de l’article 299-2 du traité d’Amsterdam, lequel actait la nécessité de prendre en compte les spécificités des RUP et la possibilité de leur appliquer des mesures dérogatoires au droit commun.

Depuis, tous les traités ont confirmé cette décision, et l’article 349 du dernier traité sur le fonctionnement de l’Union européenne n’y déroge pas. Trente-quatre ans après l’intégration européenne des RUP, le cœur de notre débat porte encore sur la simple application de la loi.

L’histoire ne s’est que trop enlisée. Il est permis d’espérer qu’elle se mette enfin en marche. Dans une communication de la Commission européenne du 20 juin dernier, on peut lire que, « dans le cadre de cette approche régionalisée, la Commission examine avec le Parlement européen et le Conseil la manière de garantir que les parties prenantes dans les RUP prennent réellement part au processus de consultation et à l’élaboration de mesures de conservation, notamment en créant un conseil consultatif pour les RUP, afin que leur contexte spécifique soit davantage pris en considération ».

Écrire nos particularismes ? C’est fait, et depuis longtemps ! Les défendre, les mettre en œuvre et les faire vivre dans l’intérêt de nos populations : cela reste à faire Les injustices n’ont que trop duré. Il est enfin permis d’espérer ! §

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