Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 17 juillet 2012 à 9h30
Questions orales — Situation des établissements pénitentiaires d'outre-mer

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Madame la sénatrice, vous êtes bien avisée de vous préoccuper de l'état des établissements pénitentiaires dans les outre-mer. Vous avez déposé votre question le 5 juillet dernier. Le 14 et le 15, l'actualité en Nouvelle-Calédonie et en Guyane est venue rappeler que vous aviez parfaitement raison de nous alerter sur la question.

Je partage totalement votre constat, qui vaut, d'ailleurs, pour tous nos établissements pénitentiaires, y compris sur le territoire de l'Hexagone. Les chiffres de la population pénale au 1er juillet 2012 viennent d'être publiés. Ils font état de 67 373 personnes incarcérées, soit une progression de 4, 1 % par rapport à la même époque l'année dernière, et ce malgré une augmentation des aménagements de peine et des libérations sous surveillance électronique de fin de peine de 21 % sur la même durée. C'est dire à quel point nos établissements sont surpeuplés.

Au-delà des chiffres que vous avez cités pour les outre-mer, il faut aussi évoquer la situation dans les maisons d'arrêt pour hommes : le taux atteint 324 % en Polynésie ; 318 % à Ducos, à la Martinique ; 160 % à Rémire-Montjoly, en Guyane. À cela vient s'ajouter la vétusté des établissements, notamment à Mayotte et à Basse-Terre.

Les outre-mer souffrent en plus d'un problème particulier d'éloignement et d'isolement, qui limite la possibilité de répartition des détenus dans d'autres établissements. Ainsi, le phénomène de surpopulation carcérale touche également les établissements pour peine, y compris dans le cas des longues peines, alors que, sur le territoire hexagonal, l'administration pénitentiaire parvient à peu près à y faire respecter le principe de l'encellulement individuel.

Évidemment, toutes ces difficultés ne nous tombent pas subitement sur la tête. Elles ont pour cause principale la politique pénale menée au cours des dix dernières années, fortement « crispée » sur l'incarcération. À l'exception de la loi pénitentiaire de novembre 2009, la cinquantaine de lois pénales adoptées sur cette période ont conduit à la multiplication des procédures aboutissant à des jugements d'incarcération.

Bien sûr, la peine d'emprisonnement se justifie, mais elle ne doit être prononcée que pour les situations où elle est nécessaire et utile. Nous savons à quel point les courtes peines sont désocialisantes et, surtout, génératrices de récidive. Il y a donc lieu d'en tenir compte dans le cadre de l'aménagement des peines. Nous n'avons pas tellement de choses à inventer puisque le code de procédure pénale contient déjà toute une série de dispositions en la matière.

Malgré l'article 27 de la loi pénitentiaire, la question de l'activité dans les établissements est réelle, encore plus dans les outre-mer que dans l'Hexagone. L'oisiveté est importante, vous le disiez vous-même, très peu de temps étant consacré à l'activité ainsi qu'à la formation des détenus.

Autre question extrêmement importante, celle de l'insertion et de la probation, que vous avez également évoquée. J'ai lancé un processus pour que se tienne, d'ici à la fin de l'année, une « conférence de consensus », chargée de travailler sur les peines de probations afin de lutter contre la récidive. Il faut faire en sorte de procéder aux aménagements de peine nécessaires pour sortir les personnes concernées du parcours de délinquance et de la récidive.

J'en viens, madame Archimbaud, aux orientations à venir. Vous l'avez dit vous-même, le taux d'aménagement de peine est nettement inférieur dans les outre-mer à ce qu'il est ici, en raison, notamment, de conditions économiques et sociales particulières : la population incarcérée y est souvent plus jeune et parfois d'origine étrangère, ce qui doit nous faire réfléchir à des aménagements de peine qui correspondent à cette socialisation plus réduite.

Dans la mesure où le taux atteint 324 % à certains endroits, il faudra malheureusement prévoir quelques places supplémentaires, même si, vous avez raison, il importe surtout d'aménager les peines et de lutter contre la récidive.

Un certain nombre de programmes sont engagés pour la construction de 160 places supplémentaires à Ducos, à la Martinique, de 75 places à Rémire-Montjoly, en Guyane, de 174 places à Majicavo, à Mayotte, de 410 places à Papeari, en Polynésie, de 80 places à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie.

Évidemment, je maintiens les études qui sont en cours, particulièrement en Guyane, en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie et à la Guadeloupe, à Baie-Mahault. Toutefois, vous le savez, l'heure est aux arbitrages budgétaires. J'accorde une attention toute particulière aux décisions qui seront prises en faveur des outre-mer. Ces arbitrages doivent aboutir dans quelques jours. Je vous tiendrai, bien entendu, informée.

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