Intervention de Marylise Lebranchu

Réunion du 17 juillet 2012 à 9h30
Questions orales — Avenir de la décentralisation

Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique :

Monsieur le sénateur, soyez assuré que nous ferons le nécessaire pour apporter le mot « fin » à cette histoire du conseiller territorial, que le Sénat a d'ailleurs commencé à écrire en adoptant une proposition de loi relative à son abrogation.

Vous avez appelé mon attention, ainsi que celle du ministre de l'économie et des finances ici présent, qui est très intéressé par le sujet, sur la situation des départements, qui sont de toute évidence confrontés à des difficultés financières spécifiques. Comme vous l'avez rappelé, leurs marges de manœuvre ont été limitées par la réforme de la taxe professionnelle puisqu'ils ne peuvent désormais plus voter que les taux de taxe foncière sur les propriétés bâties.

Certes, le produit des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, a progressé de 1, 4 milliard d'euros en 2011, mais, selon les dernières données disponibles, il pourrait se stabiliser en 2012. Il présente en effet l'inconvénient d'être très volatile.

Parallèlement à cette tension sur les recettes, les dépenses des départements en matière d'action sociale sont en forte progression : elles ont ainsi augmenté de 18 % entre 2008 et 2011. Or, en 2011, les départements ont reçu 8, 48 milliards d'euros de concours financiers de l'État, pour le revenu de solidarité active – le RSA –, l'allocation personnalisée d'autonomie – l'APA – et la prestation de compensation du handicap – la PCH –, alors que leurs dépenses se sont élevées à 14, 28 milliards d'euros – soit un différentiel lourd, de presque 6 milliards d'euros.

Une partie de ce différentiel est liée à la progression du coût des allocations depuis leur transfert aux départements ; c'est en particulier le cas du RSA. Une autre partie résulte du mode de financement choisi pour l'APA, partagé entre les départements et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

Pour faire face à ces dépenses, certains départements ont déjà procédé à des coupes claires dans d'autres postes budgétaires, notamment dans des dépenses d'équipement, ce qui n'est pas bon pour la croissance. Ainsi, entre 2008 et 2011, les dépenses d'équipement direct des départements dans leur ensemble ont diminué de 18, 6 %, tandis que les subventions d'équipement ont elles aussi fortement baissé, de 15, 6 %. Le Gouvernement en a bien conscience.

C'est notamment pour apporter des solutions pérennes à ce problème de financement que le Président de la République et le Premier ministre ont lancé une réforme de la dépendance. Pour ma part, j'ai proposé que l'on étudie la possibilité qu'une part de l'impôt national – elle reste à définir – contribue au financement. Ma collègue Marisol Touraine et moi-même avons commencé à explorer cette piste. Sur ce point, comme sur bien d'autres, les travaux du Parlement nous seront très utiles.

L'examen du projet de loi de finances pour 2013 sera l'occasion de débattre de la mise en œuvre d'un fonds de péréquation départemental de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE. En effet, comme l'a relevé, dans son rapport, la mission commune d'information du Sénat que présidait Anne-Marie Escoffier avant d'être nommée ministre déléguée, la CVAE est moins équitablement répartie que ne l'était la taxe professionnelle, et la création d'un tel fonds de péréquation permettrait de soutenir financièrement les départements les plus défavorisés.

Le Comité des finances locales a créé un groupe de travail sur le sujet, dont les travaux doivent aboutir rapidement – je l'espère, avant la fin du mois de juillet. Nous travaillerons sur ses propositions pour présenter au ministre de l'économie et des finances, puis au Premier ministre, des hypothèses de mise en œuvre.

De son côté, le Fonds national de péréquation des DMTO, déjà en vigueur, permettrait de redistribuer des sommes non négligeables : 458 millions d'euros attendus en 2012, après 440 milliards d'euros en 2011.

Enfin, je souhaite réaffirmer la volonté du Gouvernement de procéder aux réformes structurelles nécessaires, dont vous avez parlé, pour que la fiscalité, dans les territoires, soit plus juste. C'est la raison pour laquelle j'étudie les propositions des sénateurs François Marc et Pierre Jarlier pour, d'une part, adapter les modalités de révision des valeurs locatives professionnelles et, d'autre part, étendre l'expérimentation à la révision des valeurs locatives d'habitation. Ce n'est pas une mince affaire !

Le processus de révision des valeurs locatives vise à une meilleure justice fiscale et répond à la multiplication des contentieux fiscaux portant sur les assiettes actuelles.

Il faudrait par ailleurs renforcer la péréquation horizontale promue par le Gouvernement ; nous nous y employons.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est au travail sur cette question comme sur toutes celles qui concernent les collectivités territoriales. Il est soucieux de travailler en étroite collaboration avec les élus locaux et le Parlement. Il prendra notamment en compte les travaux du futur Haut Conseil des territoires, que le Président de la République appelle de ses vœux et dont la création a été confirmée par le Premier ministre lors de sa venue devant cet hémicycle, le 4 juillet dernier.

Il est évident que les sujets de la péréquation et des réponses à apporter au « déficit des départements » – je reprends votre expression – seront à l'ordre du jour de la préparation de la loi de finances comme des lois de décentralisation, lesquelles doivent nous permettre d'avoir des assiettes fiscales justes, répartissant équitablement les recettes sur nos territoires. En effet, si les territoires sont, pour nos concitoyens, des lieux de vie, ils sont aussi des lieux de production et participent au redressement de la France.

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