Intervention de François Grosdidier

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 10 juillet 2012 : 1ère réunion
Ingénierie en matière d'urbanisme — Examen du rapport d'information

Photo de François GrosdidierFrançois Grosdidier :

On sent l'expérience et l'expertise du rapporteur dans ce domaine. Cependant, je crains que les propositions n'accentuent la confusion entre le décisionnaire et le prestataire, le conseiller et le décideur. En effet, les élus décident. Certes, dans la fonction publique d'État, la distinction est plus ambiguë entre le technicien et le décideur. Mais, dans le cadre des lois de décentralisation, chaque élu local décide et assume sa décision. Je ne suis pas un partisan de la clause générale de compétence pour toutes les collectivités, car les responsabilités de chacun sont alors mal délimitées. Cette délimitation claire des responsabilités est essentielle. Or, je crains que le système proposé par le rapporteur apporte plus de confusion que de clarification. Il présente, en effet, le double inconvénient de nous enfermer davantage dans un carcan réglementaire, avec la création d'un statut de l'ordre des urbanistes, et de coûter cher. Il se traduit ainsi concrètement par le financement au moyen de prélèvements obligatoires des prestations qui peuvent être réalisées pour le compte des décideurs politiques à la tête des collectivités territoriales. Aujourd'hui, les intercommunalités comme les communes ont recours à des agences d'urbanisme ou à des prestataires privés.

Je réfute l'idée qu'il n'y ait pas de compétences en France. Notre pays n'en manque pas. La question est de savoir qui les emploie, qui les paie. Ces compétences sont réparties entre le secteur public, parapublic, comme dans les agences d'urbanisme ou les associations, et le secteur privé. Elles doivent être mobilisées selon la volonté des décideurs politiques et payées en fonction du travail demandé. Je crains que la mutualisation proposée apporte moins de péréquation et se traduise par une aspiration des financements du bas vers le haut, au détriment des collectivités territoriales de base, sans que celles-ci ne soient assurées d'un retour en termes de prestations et de services.

Je ne suis pas non plus convaincu par le débat sur le rôle que pourrait jouer le département dans ce domaine dans le secteur rural. Effectivement, en zone urbaine, les agences d'urbanisme fonctionnent bien. Mais, dans beaucoup de départements ruraux, il existe de bons rapports entre le secteur urbain et rural, et les agences d'urbanisme pourraient étendre leurs compétences pour proposer leur aide dans la confection des SCOT ruraux. Le système proposé est ambigu. Le département va financer un outil départemental pour le secteur rural mais les communes gardent la maitrise du projet. Nous savons comment ce système est perçu. Le département paie, les communes utilisent ce service, les techniciens veulent imposer leur vue aux maires. Ces derniers sont persuadés que c'est le président du conseil général qui veut imposer ses vues ; les experts, pour leur part, se croient totalement autonomes du conseil général. Au final, nous arrivons à un système où les responsabilités sont diluées et où les élus des petites communes ont le sentiment qu'on leur impose des décisions, sans même qu'elles ne correspondent à des instructions venues d'en haut. Le meilleur système est celui qui consiste à mettre les collectivités territoriales devant leurs responsabilités.

Une autre proposition qui me fait réagir et que j'avais combattue à l'Assemblée nationale est le PLU intercommunal. Autant cette proposition se défend dans les communautés urbaines ou les métropoles au sens de la loi sur la réforme territoriale de 2010, autant dans la plupart des communautés d'agglomération et dans les communautés de communes, le PLU est un travail de dentelière. On décide ainsi de COS différents pour chaque parcelle. C'est un travail qui ne peut pas être fait au niveau de l'intercommunalité. Le SCOT donne des orientations qui fixent les grandes masses mais le PLU, le travail de finition, doit rester au niveau communal.

Enfin, et j'insiste à nouveau sur ce point, les communes ne sont pas l'instance de recyclage ou la société de reconversion des services de l'État. Les communes doivent rester libres de leurs moyens d'action dans le cadre des lois de décentralisation.

Toutes ces idées m'amènent à ne pas partager les conclusions du rapport et encore moins celles du financement, qui vont entraîner premièrement une plus grande confusion, deuxièmement une autonomie moins forte des collectivités territoriales et, troisièmement, une captation des ressources financières.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion