C'est la même situation pour nous : notre profession se fonde généralement sur un principe de dissuasion plutôt que de dénonciation.
Pour en arriver à une dénonciation, il faudrait que nous nous soyons en situation d'être vraiment coopératifs dans un montage qui servirait à du blanchiment de fraude fiscale, où nous serions quasiment des mandataires, avec des transferts de fonds, etc., ce qui n'arrive jamais en ce qui concerne notre cabinet.
Comme je vous le disais tout à l'heure, nous informons nos clients que, en aucune manière, nous ne pouvons les accompagner dans ce type de manoeuvre et que, par conséquent, s'ils prennent ce risque, ils le font seuls et certainement pas avec nous. Nous sommes, je le répète, dans la dissuasion.
Une discussion concernant le blanchiment de fraude fiscale est engagée avec la direction générale du Trésor : celle-ci souhaiterait que les avocats dénoncent immédiatement la simple connaissance de l'existence d'une fraude fiscale. Ce serait à mon sens très contre-productif par rapport à tout ce qu'on a évoqué tout à l'heure : le client qui vient nous voir parce qu'il aimerait bien régulariser une situation dans laquelle il existe de la fraude fiscale serait dissuadé de le faire, et finalement, on ne verrait plus personne.
J'ajoute que nos professions sont réglementées. Il vaut donc mieux que les clients s'adressent à nous, professionnels réglementés, qui allons vraiment les éclairer sur ce qui est l'instrument de leur sécurité plutôt qu'ils s'en remettent à des officines susceptibles de leur conseiller tout et n'importe quoi.
Dans cet ordre d'idée, il apparaît nécessaire de clarifier quelque peu la question des trusts, compte tenu, là encore, des informations qui circulent sur ce sujet.
Au départ, le trust, qui est une institution anglo-saxonne, est plutôt un bon instrument, s'il est utilisé correctement, à bon escient et honnêtement.
L'une des utilisations du trust - puisqu'on a parlé de personnes physiques et d'avoirs à l'étranger -, c'est l'organisation d'une succession. Pourquoi cela pose-t-il beaucoup de problèmes en droit français ? Dans les pays civilistes comme la France, nous connaissons le transfert de propriété, la notion de propriété et le démembrement éventuel de la propriété. Le problème avec un trust, c'est qu'il n'y a plus de propriétaire.
Une personne qui place un bien dans un trust en confie la gestion à un trustee, qui n'en devient pas le propriétaire, la première personne ne l'étant pas non plus ; il revient au trustee d'administrer le bien et de distribuer des revenus à des bénéficiaires désignés.
Il existe deux catégories de trusts : réversibles ou irrévocables.
Celui qui a placé des biens dans un trust réversible peut les retirer ; en général, ces trusts réversibles sont considérés comme tout à fait transparents, ne produisant pas d'effet, sauf dans des situations particulières.
À l'inverse, la personne qui a placé un bien dans un trust irrévocable ne peut d'aucune manière le récupérer.
Un tel trust peut avoir des vertus, par exemple dans le cadre d'une succession impliquant une famille nombreuse : éviter des situations d'indivision, permettre la préservation du patrimoine. La personne qui a placé des biens dans un trust peut, dans une letter of wishes, donner au trustee, qui a un pouvoir discrétionnaire, des indications de son vivant sur la manière dont elle souhaite qu'il traite le patrimoine et la distribution des revenus. À ce titre, un certain nombre de résidents français et étrangers qui sont des bénéficiaires de trusts - l'administration les connaît parfaitement - déclarent les revenus qu'ils reçoivent des trusts.
Cette institution en tant que telle est parfaitement saine, sauf quand elle est détournée.
Pour un résident français, placer un bien dans un trust est tellement porteur d'incertitudes sur le plan juridique qu'on lui déconseille formellement de le faire.
Dans le passé, certains ont conseillé à des Français qui avaient d'ores et déjà des avoirs irréguliers à l'étranger de les mettre dans un trust. Pourquoi pas ? Le trust entraînant un dessaisissement de la propriété, cela peut éventuellement faire jouer la prescription. Les conseillers ne manquent pas d'argumenter en disant que, le jour où les héritiers auront le trust, ils pourront décider de déclarer, de distribuer les revenus, sur lesquels ils seront alors imposés.
Le problème qui s'est avéré, c'est que certains intermédiaires fabriquent des trusts dits irrévocables, qui, en réalité, ne le sont pas. Dans les mouvements de régularisation, on s'est rendu compte que des trusts irrévocables avaient été détricotés aussi facilement qu'ils avaient été tricotés au départ. On est là, évidemment, dans une situation qui est irrégulière.
Donc, premièrement, pour un résident de France, il y a très peu d'intérêt - il n'y en a même parfois aucun - à utiliser un trust. Deuxièmement, le trust est une institution qui peut parfaitement produire des effets, qu'on va analyser à la lumière du droit français lorsqu'il a été constitué, en général par des étrangers qui ont un élément de résidence en France à un instant de leur vie. Troisièmement, le trust « bidon » doit être condamné. Pour autant, toute l'institution ne doit pas être condamnée.