Monsieur le sénateur, vous venez d'évoquer le système fiscal américain. Dans un livre que j'ai écrit voilà longtemps, je décrivais ce que je considérais comme l'origine des paradis fiscaux, à savoir justement le système américain. En réalité, il s'agit d'un problème de géopolitique.
Depuis l'époque de Kennedy, au début des années soixante, selon la fiscalité américaine, les personnes qui réalisent des affaires aux États-Unis, en quelque lieu que ce soit, sont toujours taxables dans ce pays. Elles peuvent ensuite déduire l'impôt acquitté sur place.
En revanche, si des gains en dollars sont réalisés en dehors du territoire américain, ils ne sont pas taxés, car la taxation ne prend effet qu'à partir du moment où les dollars reviennent sur le sol américain.
Ainsi, lorsque les États-Unis sont devenus un empire économique, dans les années soixante, une loi a structuré le système. Aux termes du Subpart F, tant que l'argent placé dans des pays où il n'est pas soumis à impôt ne revient pas sur le territoire national et est réinvesti afin de racheter des concurrents ou des parts de marché, l'opération en cause est considérée comme faite pour le bien supérieur des États-Unis et est exonérée. Mais dès que des sommes sont rapatriées, elles sont intégralement taxées.
Bien évidemment, ce système n'explique pas à lui seul l'expansion américaine des quarante dernières années, mais il y a contribué. En revanche, il a enrichi les paradis fiscaux. Ainsi, imaginons un investissement américain réalisé en France ; l'argent gagné est ensuite rapatrié aux Bermudes puis il « repart » et sert à racheter une entreprise en Italie ou au Japon, par exemple.
Si l'on veut lutter contre les paradis fiscaux, le recours à un tel dispositif ne me paraît pas judicieux. Le système français de territorialité stricte me semble meilleur. Ainsi, tous les revenus créés en France sont taxés, même si c'est aujourd'hui compliqué ; en revanche, ceux qui le sont à l'extérieur du territoire ne sont pas pris en considération et pas imposés. Pour les contribuables honnêtes, les paradis fiscaux ne présentent donc aucun intérêt.
Je ne suis pas favorable au dispositif américain, car il favorise l'essor de zones grises fiscales. De plus, il est très coûteux pour les contribuables honnêtes.
J'en viens à la protection des inventeurs. La fiscalité française relative aux brevets est assez performante car le taux applicable est réduit.
En France, la difficulté résulte du fait que la fiscalité décourage énormément l'entrepreneur. Voilà quelque temps, je voyais les entrepreneurs s'expatrier lorsqu'ils avaient réussi. Or lorsque je lis que personne ne quitte le territoire national en raison de la fiscalité, je me dis que je n'ai pas de chance, car manifestement tous ceux qui agissent ainsi se sont adressés à mon cabinet... (Sourires.)