Intervention de Laurence Parisot

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 13 juin 2012 : 1ère réunion
Audition de mmes laurence parisot présidente du medef marie-christine coisne présidente de la commission fiscalité du medef et de M. Philippe Thiria président des groupes fiscalités « international »

Laurence Parisot, présidente du MEDEF :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes finalement assez heureux de venir ainsi en délégation devant vous, car ce sera peut-être pour nous l'occasion d'expliquer certains aspects du fonctionnement de nos entreprises. C'est pourquoi il m'a paru important de venir accompagnée de Mme Marie-Christine Coisne, présidente de la commission Fiscalité du MEDEF, et de M. Philippe Thiria, représentant du MEDEF auprès des instances de l'OCDE traitant des sujets qui vous occupent et donc spécialiste de la fiscalité internationale.

Comme vous m'y invitez, monsieur le président, je ferai quelques remarques en introduction de cette audition avant de laisser la parole à Marie-Christine Coisne ; nous répondrons ensuite ensemble à vos questions.

Il me semble utile de commencer par rappeler que le MEDEF rassemble, à travers des fédérations professionnelles et des MEDEF territoriaux, environ 800 000 entreprises. C'est dire que la TPE, la PME, l'entreprise de taille intermédiaire constituent le coeur de notre métier et sont au centre de notre attention.

Notre mission est la promotion ou la défense collective de l'entreprise. En conséquence, nous ne collectons aucune information individuelle et nous n'avons pas de moyens d'observer ce qui se passe au niveau microéconomique.

Par ailleurs, en quelque sorte symétriquement, nous ne donnons aucun conseil individuel. Ce n'est pas la vocation de notre association.

Nous avons donc une vision globale et essentiellement macroéconomique de la situation.

Au sein du MEDEF, si nous parlons évidemment souvent fiscalité, nous le faisons pour évoquer la question des prélèvements obligatoires qui pèsent sur nos entreprises et notamment pour observer l'évolution de ceux-ci non seulement dans le temps mais aussi dans l'espace. Nous nous situons en effet en permanence dans le benchmark, comme nous aimons à le dire.

Notre principale préoccupation en matière de fiscalité est le taux des prélèvements obligatoires. Je suis certaine que vous disposez de beaucoup de chiffres, mais je tiens tout de même à rappeler certains éléments.

En France, les prélèvements obligatoires qui pèsent, quelles que soient leurs modalités, sur les entreprises représentent 25 % de la valeur ajoutée, contre 15 % en Allemagne et un taux à peu près identique au Royaume-Uni, pour faire la comparaison avec deux pays assez proches du nôtre en termes de poids et de structures mais différents cependant en termes de modèle social.

Notre pays a un taux de prélèvements obligatoires parmi les plus élevés d'Europe... En vérité, suivant les années, il est premier, deuxième ou premier ex aequo avec la Suède.

Sans entrer trop loin dans le débat sur le niveau des prélèvements obligatoires, je souligne par ailleurs que les entreprises contribuent pour 32 % à l'ensemble des recettes fiscales et sociales en France, soit un taux de contribution - heureusement compte tenu de la première donnée ! - très élevé. En Allemagne, par exemple, le taux de contribution des entreprises n'est que de 25 %.

Le point qui nous préoccupe constamment et sur lequel nous ne cessons de faire des propositions, y compris à vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, est que ce taux très lourd de prélèvement pèse surtout sur l'amont, c'est-à-dire sur la production, notamment sur le travail.

C'est la raison pour laquelle nous avions proposé, je le rappelle sans m'y attarder mais sachez que nous remettrons ce sujet dans le débat à l'occasion de la conférence sociale, un nouveau pacte fiscal et social pour que la charge qui pèse sur la production et le travail s'allège.

Autre question sur le thème de la fiscalité sans cesse abordée dans nos rangs, y a-t-il une différence de traitement entre grandes et petites entreprises ?

Objectivement, en droit, la réponse est non, mais les modalités de calcul de l'impôt sur les sociétés peuvent aboutir à donner le sentiment que le poids est particulièrement lourd pour les TPE et les PME et qu'il est finalement plus supportable pour les grandes entreprises.

J'estime pour ma part qu'une fiscalité plus lourde sur les grandes entreprises n'est pas envisageable et ne serait d'ailleurs de l'intérêt de personne. Les grandes entreprises sont, par définition, dans une logique de concurrence internationale ; alourdir la fiscalité qui pèse sur elles, c'est prendre le risque de favoriser des implantations qui se feraient au détriment de notre territoire national.

Nous entrons là dans le vif du sujet sur lequel enquête votre commission : en réalité, s'agissant de la question fiscale, l'aspect qui domine est la concurrence entre les États, concurrence très vive aux sollicitations de laquelle les entreprises ne font parfois que répondre.

Cela m'amène à faire le lien avec un autre point que nous voulons aborder avec vous aujourd'hui.

Nous avons tous conscience de traverser un moment très difficile pour l'économie de nos pays et crucial pour l'avenir de l'Europe. Or celle-ci ferait un grand pas si la concurrence était moins forte entre les différents États membres.

Un des plus grands groupes industriels européens ayant été évoqué devant moi voilà quelques heures à peine, c'est lui que je citerai à titre d'illustration. Je veux parler du groupe belge Solvay, dont plus du tiers est détenu par des familles descendant, pour la septième génération, du fondateur. Si Solvay avait été en France, en serait-il encore ainsi ?

Je ne veux pas répondre moi-même à cette question, mais je suis certaine qu'il s'agit d'une problématique réelle, sous l'angle de laquelle peuvent être abordés tous les sujets qu'étudie votre commission.

J'ajoute que nous sommes très attachés au capitalisme familial patrimonial parce qu'il permet une pérennisation. Cela ne veut pas dire que nous critiquons les autres formes de capitalisme, mais il nous semble important de préserver cette modalité de création de richesses.

J'ai brièvement parlé de la concurrence fiscale et de ses effets dommageables ; je terminerai en évoquant la situation fiscale à l'intérieur de notre pays, en particulier au regard de l'économie souterraine et, comme on dit, du black.

Selon nous, un grand progrès a été fait au cours des dernières années dans la lutte contre le travail « au noir », lequel est évidemment préjudiciable à nos entreprises, en particulier dans certains secteurs d'activité. Ce grand progrès, c'est la création de l'auto-entrepreneur, statut qui peut certes encore être perfectionné mais qui, en permettant la constitution rapide de petites entreprises, s'est montré un moyen efficace de lutte contre cette forme néfaste d'économie.

Enfin, le MEDEF est très présent dans les organisations internationales et notamment à l'OCDE, via le BIAC, le comité consultatif économique et industriel - raison pour laquelle Philippe Thiria nous accompagne. L'objectif est de définir ensemble, en bonne entente, des principes pour lutter contre la fraude fiscale et contre tous les mécanismes qui, à un moment ou à un autre, passent par la fraude fiscale. Ces mécanismes, notamment tous ceux qui ont trait à la corruption, pervertissent complètement les règles du jeu et nuisent au bon fonctionnement de l'économie de marché et des échanges.

Nous sommes, je l'ai dit, très actifs aux côtés de l'OCDE et nous relayons cette action au sein du Business 20, ou B20, groupe dans lequel le MEDEF a un rôle particulier puisqu'il est à l'origine de sa création et qui va se réunir ce week-end au Mexique, un peu en amont du G20, mais aussi en parallèle avec celui-ci.

Après ce bref panorama de nos réflexions sur le sujet, Mme Coisne, M. Thiria et moi-même nous tenons à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs.

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