Monsieur le rapporteur, je vous remercie de cette question, car un préalable terminologique me paraît utile : les mots ont un sens qui peut être plus fort ou déformé en fonction de l'usage qui en est fait, en particulier par les médias.
Nous comprenons bien le souci de votre commission : évaluer si la France est victime de plus d'évasion fiscale qu'elle ne devrait normalement l'être et, si oui, examiner si nos règles sont insuffisantes à la base, en termes de taxation comme de moyens de contrôle et de répression, ou si nos voisins sont particulièrement gourmands et indélicats pour appréhender de la recette fiscale.
Au démarrage ont été visées fraude, évasion, optimisation, tout cela lié à des niches et dépenses fiscales, objet de nombreux rapports du Conseil des prélèvements obligatoires.
Je crois pouvoir vous dire que le MEDEF et sa commission Fiscalité, où sont représentées un grand nombre d'entreprises, sont les premiers acteurs de la lutte contre la fraude fiscale et contre toute forme de fraude parce que les premières victimes de cette dernière. La fraude fiscale est une des formes de fraude dont nous, entreprises, pouvons en effet être victimes, mais nous le sommes aussi d'indélicatesses, comme tout un chacun peut l'être, le monde n'étant pas parfait, de nos clients, de nos fournisseurs et de nos collaborateurs.
Il est donc extrêmement important pour moi de le dire en préambule : la fraude, on connaît, on n'aime pas et on lutte contre ; nous ne pouvons donc qu'être « co-acteurs » et très coopératifs dans la lutte contre la fraude fiscale.
Mais à côté de l'expression « fraude fiscale » se dessinent les deux autres termes que j'ai mentionnés, l'évasion et l'optimisation.
Il me semble que le sens que vous donnez à l'évasion fiscale ressortit à la question de savoir si nous perdons de manière illégitime des recettes, que ce soit à cause de la fraude, d'une mauvaise législation ou d'un mauvais contrôle.
Soyons clairs : évasion et optimisation fiscales recouvrent, à peu près, les mêmes comportements, à savoir un usage conforme aux lois en vigueur permettant éventuellement, délibérément ou par « accident bénéfique », aux entreprises ou aux particuliers contribuables de diminuer leur exposition à l'impôt en totale légalité.
Nous faisons donc une différence fondamentale entre fraude et optimisation fiscale, dans laquelle je range l'évasion fiscale dans ce qu'elle a de légal.
Une petite nuance toutefois au regard des objectifs que vous pourriez vouloir poursuivre : il se peut que, sur le terrain de l'évasion fiscale au sens réel et technique - et non pas au sens médiatique -, le législateur s'interroge pour déterminer si la loi doit rester en l'état ou au contraire bouger, mais il est du devoir des entreprises de chercher à optimiser l'ensemble de leurs coûts - coûts dont la fiscalité fait partie.
Je distinguerai donc le licite et le non-licite.
Nous sommes absolument contre l'illicite et luttons contre lui. Il y a, certes, les enjeux moraux, mais il y a aussi le grand engagement pris par les entreprises du MEDEF - engagement qui s'est encore renforcé à la faveur de notre modernisation des quinze dernières années - de respecter les lois et règlements de toute sorte que nous rencontrons tous les jours dans tous les domaines, à commencer par celui de la fiscalité. C'est dans la conformité aux lois et règlements comme aux règles du jeu que doit se déployer la croissance de nos entreprises.
L'évasion fiscale au sens où vous l'entendez peut nous poser problème quand elle prend une dimension internationale et qu'elle n'est pas accessible à nos entreprises. Elle permet alors à nos concurrents de produire des biens ou des services à des prix de revient inférieurs aux nôtres et à venir nous concurrencer sur le marché ouvert qu'est le marché français. Une entreprise française pourrait ainsi se trouver moins bien positionnée qu'une entreprise étrangère qui aurait, légalement, fait usage de législations et de localisations plus favorables.
Je dirai donc que, oui, l'évasion fiscale est un sujet auquel nous sommes extrêmement sensibles : il se situe au coeur des enjeux de compétitivité de nos entreprises, dont la rentabilité se dégrade.