M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Michèle San Vicente. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Dans une déclaration de principe, le Conseil d'Etat a estimé hier que, « si l'employeur est tenu de protéger la santé de ses salariés, il incombe aux autorités publiques de se tenir informées des dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité professionnelle ».
Monsieur le ministre, vous avez refusé, voilà peu, la classification de 74 établissements permettant à nombre de salariés qui ont été exposés à l'amiante de bénéficier de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, en objectant, pour la plupart des dossiers, que « la logique du dispositif adopté en 1998-1999 était de le réserver aux salariés ayant été fortement exposés à l'amiante sur leur lieu de travail et non à tous les salariés ayant été au contact de l'amiante ».
Cet avis, monsieur le ministre, est contraire à celui de la Commission européenne, qui déclare que « toute pathologie causée par une exposition à l'amiante dans l'exercice d'une profession doit être considérée comme une maladie professionnelle, quels que soient l'ancienneté des faits ou les liens de causabilité, et qu'en cas de doute la charge de la preuve devait incomber à l'employeur ».
Cet avis est également contraire à l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale que vous invoquez et qui avait créé cette prestation, partant du constat évident que l'amiante réduit l'espérance de vie et que le simple fait d'y avoir été exposé suffit pour avoir droit à cette allocation.
Les pathologies consécutives à l'inhalation de ces poussières sont sévères, monsieur le ministre, et elles peuvent s'avérer mortelles, vous le savez bien !
M. René-Pierre Signé. Exact !
Mme Michèle San Vicente. Dans le rapport de 2003 du FIVA, le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, il est souligné que « les maladies les plus graves étaient déjà fortement présentes et que les délais de latence risquaient encore d'accentuer leur prédominance dans les années à venir ». Il est également indiqué que « quoi qu'il en soit, il ne faut pas perdre de vue qu'au-delà de la dimension financière, c'est bien la reconnaissance par la société de la spécificité de leur situation qui doit être satisfaite. La mise en place d'un dispositif particulier est la première manifestation de cette reconnaissance ».
Monsieur le ministre, ma question est la suivante : le Gouvernement a-t-il de la reconnaissance ou du mépris pour ces travailleurs
(Protestations indignées sur les travées de l'UMP)...
M. Alain Fouché. Comment peut-on dire cela ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. C'est honteux !
Mme Michèle San Vicente. ... victimes d'une contamination professionnelle due à l'amiante ? Peuvent-ils prétendre à la reconnaissance officielle de leur maladie ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame le sénateur, le problème que vous soulevez est effectivement très grave.
Dans l'état actuel des choses, je ne fais qu'appliquer une loi en vigueur ; je n'ai pas besoin de rappeler à quelle époque elle fut adoptée.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste. - Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Paul Raoult. Alors, pourquoi le préciser ?
M. Raymond Courrière. Encore l'héritage ?
M. François Fillon, ministre. Ce n'est pas une question d'héritage ! Je pense au contraire que nous sommes tous concernés. Or, Mme San Vicente venant à l'instant de mettre en cause la manière dont la législation est appliquée, je tiens à rappeler que je ne fais qu'appliquer la loi !
M. René-Pierre Signé. Vous en modifiez bien d'autres !
M. François Fillon, ministre. Un arrêt du Conseil d'Etat caractérise la faute de l'Etat, qui n'a pas pris avant 1997 toutes les mesures nécessaires à l'interdiction de l'amiante en vue de prévenir les dommages aux personnes travaillant dans les entreprises.
Cet arrêt confirme que, à côté de la responsabilité de premier rang de l'employeur dans la sauvegarde de la santé au travail, l'Etat doit assurer, d'une manière générale, une fonction d'étude et de prévention des risques pour la santé au travail. L'arrêt ne prend donc pas parti sur le partage des responsabilités.
Cette décision de jurisprudence, dont il convient maintenant de prendre acte et de tirer toutes les conséquences, porte - ce point doit être souligné - sur une période antérieure à 1997, et l'on ne peut que rendre hommage, me semble-t-il, au ministre du travail qui a pris les mesures nécessaires pour mettre fin à toute exposition des salariés à l'amiante : il s'agissait de M. Jacques Barrot.
Depuis cette date, le risque a été maîtrisé, et les victimes de la catastrophe de l'amiante peuvent désormais faire valoir leurs droits. C'est d'ailleurs ce gouvernement qui a fait adopter le barème d'indemnisation par le fonds créé à cet effet. (M. René-Pierre Signé s'exclame.) Près de 6 000 personnes en ont bénéficié et 25 000 personnes ont pu faire jouer en leur faveur le mécanisme de préretraite prévu pour les salariés ayant été exposés à l'amiante.
Mais nous ne saurions nous en tenir là : il faut corriger notre dispositif des erreurs passées pour qu'elles ne se reproduisent plus.
A l'automne dernier, dans le cadre de la stratégie ministérielle de réforme de mon ministère, qui a été transmise au Parlement, j'ai proposé que soient mieux prises en considération les questions liées à la santé au travail et que des moyens soient mobilisés à cet effet.
En outre, les questions de prévention des risques au travail, y compris en matière de santé, occupent une place très importante dans le plan « santé-environnement » qui a été élaboré et présenté à M. le Premier ministre au début de cette année. Les moyens d'étude et de recherche doivent donc être mieux structurés afin que les décisions réglementaires nécessaires soient prises en temps voulu.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ferai des propositions en ce sens à M. le Premier ministre d'ici à la fin de l'année.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
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