M. Yves Coquelle. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
M. René-Pierre Signé. Il ne répond pas !
M. Yves Coquelle. Monsieur le Premier ministre, les 21 et 28 mars dernier, une majorité de Français vous a désavoué. Elle a désavoué votre politique libérale de casse du service public, de casse des grandes entreprises françaises, de ces entreprises qui ont fait la preuve de leur efficacité, de leurs capacités de développement et du service qu'elles savent rendre à la France et aux Français, comme en témoigne EDF-GDF.
Mais vous poursuivez dans la même voie de la privatisation, sans changer une virgule à vos intentions.
Le Gouvernement devrait prendre garde, car les 21 et 28 mars pourraient bien trouver leur prolongement dans la rue, au travers de grands mouvements sociaux, dont la manifestation d'aujourd'hui des gaziers et des électriciens n'est que le prélude, et quel prélude !
M. Sarkozy a déclaré récemment que EDF et GDF ne seraient pas privatisées et que le statut des agents ne serait pas modifié.
Pour nous, ce discours n'a d'autre but que de brouiller les pistes et de tenter de désamorcer le mouvement social, mais, sur le fond, vous entendez bien poursuivre votre programme de privatisation rampante et, à moyen terme, casser le statut du personnel.
En fait, vous témoignez du mépris pour le suffrage universel et du mépris pour les Françaises et les Français qui ne pensent pas comme vous et qui sont pourtant désormais majoritaires dans ce pays.
M. Didier Boulaud. C'est vrai !
M. Yves Coquelle. Mardi dernier, à l'Assemblée nationale, vous avez tenté de faire croire que les parlementaires communistes avaient accepté les directives européennes libéralisant le marché de l'énergie.
En premier lieu, les parlementaires communistes n'ont pas voté ce texte.
M. Josselin de Rohan. Evidemment !
M. Dominique Braye. Ce n'est pas une surprise !
Mme Nicole Borvo. Vous êtes mal informés !
M. Yves Coquelle. De plus, rien dans le traité européen n'oblige à la privatisation d'entreprises du secteur public telles qu'EDF-GDF, ni à la remise en cause des statuts du personnel, comme l'atteste d'ailleurs un courrier qu'a adressé M. Mario Monti, commissaire européen, aux dirigeants syndicaux.
M. Roland Courteau. C'est exact !
M. Yves Coquelle. Il ne faut pas confondre l'ouverture à la concurrence du fait de la transposition de la directive avec la privatisation.
Le Gouvernement devrait tenir le plus grand compte du bilan désastreux du processus de privatisation et de déréglementation qui a déjà eu cours en Grande-Bretagne, en Italie et aux Etats-Unis, ...
M. Roland Courteau. Bilan catastrophique !
M. Yves Coquelle. ... pays qui, d'ailleurs, s'en mordent les doigts aujourd'hui.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous, oui ou non, ...
M. René-Pierre Signé. Il est dans l'embarras !
M. Yves Coquelle. ...comme le demandent l'ensemble des syndicats, retirer votre projet, rouvrir le dossier et en débattre démocratiquement ?
C'est la question que je vous pose aujourd'hui.
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d'abord souligner la satisfaction qui est la mienne de voir aujourd'hui plus de trente ministres au banc du Gouvernement pour honorer la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Sueur. Le plein emploi !
M. Didier Boulaud. C'est un gouvernement resserré !
M. René-Pierre Signé. Vous faites des économies !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Cela ne s'est pas toujours vu dans le passé, mais c'est un signe important de partenariat, d'attention et d'écoute du Gouvernement à l'égard de la Haute Assemblée, et je tenais à le souligner.
(Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Reporter le projet non, privatiser non. Monsieur Coquelle, cessez donc les caricatures !
M. Christian Demuynck. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Cessez de vouloir expliquer aux Français des choses inexactes ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Vous pratiquez le mensonge. Quelle est la vérité ?
M. Yves Coquelle. Nous sommes là, monsieur le Premier ministre !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Le marché de l'électricité est devenu européen par la loi du 10 février 2000, qui a été adoptée par la gauche et a ainsi été consacrée dans le droit français.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. -- Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas vrai ! Nous ne l'avons pas votée !
Mme Hélène Luc. Regardez le Journal officiel !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Il me semble me souvenir qu'il y avait des communistes au gouvernement ! (Oui ! sur quelques travées de l'UMP.) Je ne sais pas si c'est exact, et je demanderai au service des archives du Sénat de vérifier, mais je crois qu'il y avait des communistes au gouvernement au moment où cette décision a été prise.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas la question qui est posée ! On vous parle du statut de l'entreprise !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Maintenant, la vérité !
Premièrement, pas de changement de statut pour les agents d'EDF et de Gaz de France, des entreprises de ce secteur. Non, il n'y aura pas de changement de statut, c'est clair, net et précis !
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Deuxièmement, il n'y aura pas de privatisation d'EDF et de Gaz de France. Il y aura une adaptation juridique européenne qui est rendue nécessaire pour faire de ces grandes entreprises publiques françaises de véritables champions mondiaux.
M. René-Pierre Signé. Ils ne vous ont pas attendu !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur Coquelle, une des raisons pour lesquelles je suis fondamentalement hostile à la privatisation, ...
M. René-Pierre Signé. Et quand vous ne serez plus là ?
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ...c'est que j'entends bien développer la filière nucléaire. C'est pour cette raison que j'entends développer l'EPR et, pour ce faire, il faut un contrôle public. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Ces entreprises seront donc sous contrôle public. C'est une raison fondamentale de la stratégie industrielle et d'indépendance nationale de la France. C'est pourquoi je souhaitais lever toutes vos inquiétudes.
Cela prouve la volonté du Gouvernement d'avoir une politique de développement, mais celle-ci ne va pas sans une politique de cohésion sociale, vous le savez, et j'ai une bonne nouvelle à vous annoncer (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) : mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai signé ce matin le décret créant un tarif social d'électricité en faveur des foyers les plus modestes.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Christian Demuynck. Les socialistes n'applaudissent même pas !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Ainsi, 1,6 million de ménages à faible revenu bénéficieront de cette mesure qui permettra une réduction de 30% à 50% de leur facture d'électricité. Elle portera sur les cent premiers kilowatts par heure mensuels. Il s'agit là d'une mesure sociale en faveur des Français les plus défavorisés, qui profiteront ainsi d'une mesure de cohésion sociale, laquelle est en équilibre avec les mesures de développement économique que nous voulons proposer.
M. René-Pierre Signé. Et les coupures ?
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Le Gouvernement que je dirige a bien l'intention de choisir dans toute sa politique à la fois la voie de l'initiative - c'est pourquoi nous voulons faire d'EDF et de Gaz de France des grands champions mondiaux -, la voie de la justice sociale...
M. Roland Courteau. C'est nouveau !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... et la voie de la cohésion sociale. Tel est l'équilibre que nous défendons.
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