M. Michel Moreigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en matière de revenu minimum d'insertion, le RMI, nous constatons malheureusement que de nombreux départements accusent un déficit entre les versements par l'Etat de la fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, et leurs versements sur les comptes des caisses d'allocations familiales et de la Mutualité sociale agricole.
Il n'appartient pas aux départements de consentir des avances de trésorerie aux organismes sociaux et d'en subir le coût financier quand la cause résulte de mécanismes de compensation qui montrent aujourd'hui de graves insuffisances.
A compter de l'échéance du mois de juin, certains conseils généraux envisagent de ne pas verser un euro de plus que le montant de la dotation octroyée mensuellement par l'Etat. Il appartient donc au Gouvernement, me semble-t-il, de trouver de nouvelles modalités de compensation cessant de dégrader les finances locales.
Cet épisode renforce l'inquiétude concernant les dispositifs de transfert des ressources qui accompagneront les transferts de compétences envisagés dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales, que ni le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales ni les garanties constitutionnelles ne peuvent dissiper ; mon collègue Jean-Pierre Sueur a évoqué cette situation tout à l'heure.
Seule l'instauration d'une véritable péréquation des ressources permettra à un département comme le mien d'assurer pleinement les missions de développement des territoires et de service public que la population attend.
Je citerai quelques chiffres en matière de RMI : au 30 juin 2004, le solde prévisible du département de la Creuse sera de moins 275 000 euros. En fin d'année, à dispositif constant, il s'élèvera à moins 1 million d'euros.
Le nombre d'allocataires en France a augmenté de 9,6% entre mars 2003 et mars 2004...
M. Raymond Courrière. Eh oui !
M. Michel Moreigne. ...et de 5,5% au cours du premier trimestre de cette année, en données corrigées.
M. René-Pierre Signé. Cela fait mal !
M. Michel Moreigne. Il y avait donc 1,03 million d'allocataires du RMI à la fin du mois de mars en métropole. Dans la Creuse, on a constaté une hausse des allocataires de 21 % au cours du premier trimestre 2004 par rapport au dernier trimestre 2003.
Sans préjuger de l'évolution de ces statistiques, comment l'État entend-il permettre aux conseils généraux d'exercer cette compétence nouvelle, à l'évidence transférée sans les moyens financiers et en personnel correspondants ?
C'est au Premier ministre que j'aurais souhaité poser cette question, vous l'avez tous compris.
M. Raymond Courrière. Il est parti !
M. Michel Moreigne. Le Gouvernement irait-il jusqu'à penser que les commissions locales d'insertion n'assureraient plus avec la même qualité le suivi des situations des allocataires depuis la décentralisation du RMI ? Je ne veux pas le penser !
M. Henri de Raincourt. Non !
M. Michel Moreigne. Dans ces conditions, comment le Gouvernement peut-il prétendre exercer un contrôle de l'action des conseils généraux ? Il est temps, me semble-t-il, que le Gouvernement revoie sa copie et réponde aussi à la promesse de rendez-vous faite ici même à mon excellent collègue Michel Teston à ce sujet voilà un mois, avec l'approbation formelle du président du Sénat.
Mme Nelly Olin, ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Si ma réponse ne vous intéresse pas, je peux très bien ne pas vous la donner (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.), d'autant que je n'ai été saisie de la question qu'à mon entrée dans l'hémicycle.
Monsieur le sénateur, vous avez raison : le nombre d'allocataires du RMI a quasiment triplé depuis sa création.
M. Jacques Mahéas. C'est l'effet du chômage !
Mme Nelly Olin, ministre déléguée. La réalité, c'est que la plupart d'entre eux y sont inscrits, hélas pour nous tous, durablement et que l'espoir s'amenuise chaque jour un peu plus de pouvoir les réinsérer durablement dans la vie active. Un RMIste sur trois est allocataire depuis plus de trois ans et près d'un sur dix depuis plus de dix ans.
M. Alain Fouché. C'est l'héritage !
Mme Nelly Olin, ministre déléguée. La réalité, c'est que cette question doit mobiliser chacun d'entre nous au-delà de nos divergences et de nos sensibilités. Nous n'avons pas le droit d'enfermer les plus démunis dans un statut sans espoir. En tout cas, ces constats ne font que renforcer le Gouvernement et sa conviction qu'il lui faut agir avec détermination.
Nous vous proposerons donc, dans le cadre du plan de cohésion sociale élaboré par Jean-Louis Borloo, plusieurs mesures allant en ce sens. Le Gouvernement tient à démultiplier, autour du Premier ministre, les outils d'accompagnement et d'aide au retour à l'emploi. C'est pourquoi il a créé le revenu minimum d'activité, le RMA.
Le RMA est l'un de ces outils et, contrairement à ce qui a été dit, il ne s'agit pas d'un petit boulot. C'est un vrai travail, une passerelle qui permet d'accéder à un emploi durable, tout en bénéficiant d'un tutorat et, pour ceux qui le souhaitent, d'un accompagnement en matière de formation.
J'ai donc souhaité, pour que personne ne puisse contester les chiffres, d'une part, que soient mis en place dans les départements qui veulent bien jouer le jeu des comités locaux de suivi et, d'autre part, qu'une évaluation soit faite au bout d'un an.
Ainsi, ceux qui n'auront pas voulu signer les contrats de RMA, ce seront ceux qui n'auront pas voulu tendre la main aux en difficulté.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Notre objectif est d'allouer à tous ceux qui veulent bien s'en donner la peine les moyens de mener une politique d'insertion enfin efficace. De ce point de vue, la proximité est un plus, la décentralisation est un atout.
Je vous confirme que le transfert des charges vers les départements sera franc et loyal. Il a été calculé, monsieur le sénateur, à partir des dépenses connues à la fin de l'année 2003. Les écarts éventuels seront évalués à la fin de l'année 2004 et définitivement corrigés sur la base des comptes administratifs en 2005.
Ce contrat de confiance ne peut être que réciproque. Tous les conseils généraux qui nous ont saisis, et ils sont très peu nombreux, de dysfonctionnements ont eu une réponse. Je vous conseille, monsieur le sénateur, de me faire part de la situation de votre département et vous aurez une réponse claire.
Cela étant, je vous confirme que M. Borloo est à votre entière disposition pour vous recevoir à la rentrée.
En ce qui concerne les personnels affectés à la gestion du RMI, les transferts définitifs seront opérés dans le cadre du projet de loi relatif aux responsabilités locales. Pour l'heure, des dispositifs transitoires sont mis en oeuvre, et ils fonctionnent plutôt bien. De nombreux départements n'ont rien trouvé à y redire. Toutefois, si une difficulté ponctuelle venait à se présenter, j'y serais attentive.
Quant à vous, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, le bilan plutôt mitigé du Gouvernement de Lionel Jospin (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), que vous avez soutenu, devrait vous inciter à un peu plus de modestie et de réserve.
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