Mme Muguette Dini. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'emploi, du travail, et de la cohésion sociale.
La confédération syndicale des familles a indiqué, mardi dernier, que le nombre de dossiers déposés en commission de surendettement avait atteint un niveau record en 2004.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Hélas !
Mme Muguette Dini. De janvier à octobre 2004, le nombre de dossiers déposés a augmenté de 15,3 %.
La confédération a par ailleurs mis en avant un certain nombre de lacunes, au nombre desquelles on compte l'absence totale de suivi social des personnes en situation de surendettement ainsi qu'un engorgement des tribunaux saisis par les commissions de surendettement.
Certes, cette augmentation singulière est une conséquence directe de la mise en oeuvre de la nouvelle procédure de redressement personnel, mais la situation actuelle est tout de même particulièrement préoccupante.
Des progrès ont incontestablement été réalisés en la matière.
D'abord, la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine a instauré une procédure de redressement personnel qui permet d'effacer les dettes des familles dont la situation est irrémédiablement compromise.
Par ailleurs, la loi du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel a créé un fichier recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels.
Enfin, grâce à notre collègue Valérie Létard, le projet de loi de cohésion sociale que nous sommes appelés à voter cet après-midi comporte des innovations importantes.
Ainsi, les frais de loyer, de nourriture et de scolarité seront intégrés dans le calcul du « reste à vivre » par la commission de surendettement lorsqu'une procédure de rétablissement personnel sera mise en oeuvre. Par ailleurs, le remboursement des créances locatives sera prioritaire sur celui des créances des établissements de crédit.
Nous saluons vivement l'ensemble des progrès de notre législation dans la lutte contre ce qui constitue un véritable fléau social.
Toutefois, nous pensons que nous avons encore beaucoup à faire, plus spécifiquement en matière de prévention du surendettement.
L'analyse du surendettement par la Banque de France démontre que, dans 80 % des cas, les surendettés ont des crédits à la consommation.
Les conditions dans lesquelles ils sont accordés ne permettent pas aux établissements de crédit d'étudier la situation de surendettement des débiteurs.
C'est la raison pour laquelle, trop souvent, le surendettement survient en raison d'une multiplication des crédits à la consommation - ils sont au nombre de quatre en moyenne -, les nouveaux crédits ne servant plus qu'à payer les intérêts des anciens.
C'est pourquoi, depuis plusieurs années, l'UDF défend l'idée d'un fichier « positif » retraçant l'ensemble des crédits contractés par les ménages. Un tel fichier permettrait aux créanciers de véritablement étudier la solvabilité des débiteurs avant de leur accorder un prêt. Il aurait le mérite de responsabiliser les créanciers ainsi que les débiteurs et de traiter les problèmes à la source. Mais nous savons que cette idée suscite de nombreuses oppositions.
Monsieur le ministre, je souhaite savoir quels moyens vous comptez mettre en oeuvre pour permettre de prévenir les situations de surendettement.
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail, et de la cohésion sociale. Madame la sénatrice, votre question comporte plusieurs aspects.
S'agissant des familles surendettées, j'avais indiqué, en présentant ici le dispositif de « deuxième chance », élément de la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, que, d'après nos estimations, probablement 1,5 million de familles étaient concernées, et non pas seulement les 675 ou 680 cas traités par les commissions de la Banque de France. En effet, pour un certain nombre de raisons, certains cas n'apparaissent pas, parce que la procédure est publique et qu'elle paraît complexe et incertaine.
Nous avons fait le pari, dans ces situations dramatiques, de donner une deuxième chance à ces familles. En effet, ce n'est pas le nombre de dossiers traités qui importe, mais l'indifférence ou l'absence de traitement de ces situations-là.
Grâce à l'Assemblée nationale et au Sénat, une loi dite « de la deuxième chance », vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, a été élaborée. Son objectif est de créer des « appels d'air » au sein des procédures. Mais, comme tout nouveau texte, il mérite d'être étudié de façon précise et d'être ajusté.
Mme Nicole Bricq. Eh oui ! Vous avez fait croire des choses aux gens !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. C'est dans cet esprit que, dès la mise en oeuvre des décrets d'application et en accord avec Dominique Perben, nous avons demandé au président Canivet de piloter un comité de suivi de ce texte regroupant les préfets, les présidents des institutions judiciaires et les directeurs de succursales de la Banque de France.
Je ferai deux observations sur la première étape du rapport élaboré par le président Canivet.
Premièrement, une difficulté se pose en ce qui concerne la « jurisprudence » existant entre la Banque de France et les institutions judiciaires. En effet, sur la proposition de Jean-Jacques Hyest, nous avions décidé de faire passer les dossiers, dans un premier temps, par la Banque de France. Or, en Alsace-Moselle, il existe deux procédures parfaitement distinctes, ce qui entraîne un certain encombrement et un problème de compatibilité entre les deux procédures.
Deuxièmement, la transmission des informations entre la Banque de France et les tribunaux pose également problème. Je vous informe à cet égard qu'un réseau informatique commun sera enfin mis en place dès le mois prochain afin de faciliter le traitement des informations entre ces institutions.
Voilà pour les procédures de rétablissement personnel.
En ce qui concerne le traitement du surendettement en amont, vous avez eu connaissance, mesdames, messieurs les sénateurs, des conclusions du rapport Jolivet réalisé au nom du comité consultatif du Conseil national du crédit et du titre.
M. Alain Vasselle et Mme Marie-Thérèse Hermange, que je salue, se sont d'ailleurs exprimés sur ce point, et le dossier a ensuite été transmis à Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation, qui doit prendre contact avec eux afin d'avancer sur ce texte.
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