M. Georges Mouly appelle l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur les contentieux qui persistent en matière de création d'officines de pharmacie en milieu rural alors que les nouvelles règles de création, de transfert et de regroupement des officines de pharmacie introduites par l'article 65 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle ont eu notamment pour objet de simplifier les règles antérieures de création d'officine dans les communes rurales en autorisant l'ouverture à condition, d'une part, que la commune d'implantation s'intègre au sein d'une zone géographique formée d'un ensemble de communes contiguës qui ne sont pas ou ne sont plus prises en compte pour la création d'une officine dans une autre pharmacie et, d'autre part, que la population totale de cette zone soit au moins égale à 2 500 habitants. A l'exemple du contentieux créé autour de l'ouverture d'une pharmacie à Saint-Chamant, en Corrèze, il lui demande s'il est possible de prendre des mesures qui permettent, en cas de recours - systématiquement introduits par les professionnels du secteur ou leur chambre syndicale - au pharmacien contesté d'exercer tant que la procédure n'est pas close et d'introduire la notion de recours abusif pouvant entraîner le versement d'une « amende » au cas où le tribunal confirme la légalité de l'autorisation préfectorale.
M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, à une question que j'avais posée voilà seulement deux mois concernant les officines des pharmacies, la réponse suivante m'a été apportée :
« Les dispositions de la loi du 27 juillet 1999 ont permis d'identifier les communes déficitaires dans les zones rurales grâce aux arrêtés pris par les préfets dans chaque département, arrêtés qui avaient pour objet de dresser l'état des lieux de la desserte en officines des communes de moins de 2 500 habitants. La profession est globalement satisfaite des dispositions introduites par la loi précitée, modifiée par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 et le Gouvernement n'envisage donc pas de revoir à court terme la législation applicable aux créations d'officines dans les communes de moins de 2 500 habitants. »
Dans une commune de mon département, l'autorisation de création d'une officine de pharmacie a été accordée en application des dispositions législatives que je viens d'évoquer. Point n'est besoin d'insister sur l'utilité d'un tel service pour la population de la commune en question.
Or, aujourd'hui, cette autorisation vient d'être annulée par le tribunal administratif de Limoges, saisi par les pharmaciens d'une commune voisine, dont le territoire n'a, en toute logique, pas été pris en compte dans l'état des lieux, puisque sa population est supérieure à 2 500 habitants.
Le pharmacien visé par le jugement a fait appel et a sollicité un sursis à exécution, mais les délais de procédure l'ont placé dans une situation telle qu'il a dû fermer son officine en attendant le sursis à exécution.
Les services du ministère ont effectué une démarche similaire dès le 24 janvier, mais, à ce jour, aucune décision ne permet à la pharmacie de poursuivre son activité dans l'attente de l'aboutissement de cet appel.
Pour ma part, je trouve cette situation tout à fait fâcheuse et irritante. La carte d'identification va être retirée. On imagine aisément les graves problèmes d'endettement auxquels le pharmacien concerné va se trouver confronté du fait de l'arrêt de l'activité.
Je constate que les habitudes sont tenaces. Le nombre de recours contre les créations permises par la nouvelle loi reste élevé. Les recours demeurent quasi systématiques, s'appuyant souvent encore - c'est le cas dans l'exemple que j'ai cité - sur un argumentaire valable sous la précédente législation, notamment en ce qui concerne la notion d'appréciation.
Malgré le soutien de toute la population et des élus, y compris des parlementaires, la pharmacie est aujourd'hui bel et bien fermée.
Alors qu'est annoncée par le ministère de la santé une réflexion avec la profession, non pas pour modifier la législation applicable à l'ouverture de pharmacies en milieu rural, mais pour expertiser d'éventuelles modifications susceptibles de favoriser l'exercice de ce métier, je me permets de demander s'il serait possible d'envisager des mesures autorisant, devant des recours par trop systématiquement introduits par les professionnels du secteur ou la chambre syndicale, le pharmacien contesté à exercer tant que la procédure n'est pas close et introduisant la notion de recours abusif, pouvant entraîner le versement d'une « amende » au cas où le tribunal confirmerait la légalité de l'autorisation préfectorale.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le sénateur, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, m'a chargé de vous présenter ses excuses et de vous fournir les éléments de réponse suivants.
La loi du 27 juillet 1999 a permis d'aboutir à un maillage satisfaisant des officines de pharmacie sur le territoire national en intervenant à deux niveaux : d'une part, en supprimant la voie dérogatoire de création des officines, source de multiples et douloureux contentieux ; d'autre part, en dressant un état des lieux de la desserte en officines dans les communes de moins de 2 500 habitants.
La réalité des besoins dans les agglomérations rurales a pu être appréciée et les communes déficitaires en pharmacies ont été identifiées. La France dispose donc désormais d'un maillage national de qualité, dans un cadre juridique sécurisé.
L'exemple que vous soulevez illustre l'une des dernières difficultés nées de la réglementation précédente. Vous souhaitez que le pharmacien dont l'officine est contestée puisse engager une procédure pour recours abusif et demander le paiement d'une amende.
Jean-François Mattei comprend vos préoccupations. La situation que vous dénoncez est particulièrement pénible à vivre pour le pharmacien mis en cause. Cependant, une action dans ce domaine ne relève pas de la compétence du ministre de la santé.
Il appartient en effet au seul juge administratif de se prononcer sur le caractère abusif d'un recours. Le code de justice administrative répond à votre attente en prévoyant une sanction financière : les dispositions de l'article R. 741-12 ouvrent la possibilité au juge d'infliger à l'auteur d'une requête estimée abusive une amende pouvant atteindre 3 000 euros.
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse, même si elle ne me donne satisfaction que s'agissant du dernier point que vous avez évoqué.
Il faut savoir que le ministère lui-même a fait appel du jugement du tribunal de Limoges. Aura-t-il gain de cause ? Ce serait heureux pour le pharmacien concerné.
Il reste que, en raison des délais de procédure, la pharmacie est fermée pour le moment et que la population subit les inconvénients qui résultent de cette situation. Quant au pharmacien lui-même, il doit se débattre dans les difficultés qu'on imagine !
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